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Libération
Droit social

Contrôleurs aériens : l’encadrement du droit de grève des aiguilleurs du ciel entre en vigueur

Désormais inscrite dans la loi, la réforme de l’encadrement du droit de grève des contrôleurs aériens en France oblige ces derniers à déclarer individuellement leur participation à un mouvement de grève au plus tard deux jours avant.
Tour de contrôle vue depuis la piste de l'aéroport Paris Orly terminal 4. (Benoit Durand/Hans Lucas)
publié le 29 décembre 2023 à 12h50

Malgré différents débrayages qui ont cloué quelques avions au sol en cette fin d’année, la réforme de l’encadrement du droit de grève des contrôleurs aériens en France est désormais inscrite dans la loi, après sa promulgation ce vendredi 29 décembre au Journal officiel. Tout agent aérien dont l’absence «est de nature à affecter directement la réalisation des vols» est obligé de déclarer individuellement sa participation à un mouvement de grève au plus tard à midi deux jours avant son débrayage, comme c’est déjà le cas à la RATP ou à la SNCF.

Jusqu’alors, les syndicats dans le contrôle aérien devaient déposer tout préavis de grève cinq jours avant un mouvement, une durée assez importante pour permettre d’assurer un «service minimum» mais les grévistes n’avaient pas à déclarer leur participation individuelle à la différence d’autres salariés du secteur. La Direction générale de l’Aviation civile (DGAC) estimait donc ne pas disposer de chiffres fiables sur le nombre de grévistes. Elle pouvait être amenée à demander aux compagnies d’annuler plus de vols que nécessaire afin de mettre en adéquation le nombre de contrôleurs possiblement disponibles et le programme des opérations aériennes.

Après une grève surprise des aiguilleurs du ciel en pleine mobilisation contre la réforme des retraites, qui avait bloqué des centaines de passager à Orly en février, le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, avait fustigé les débrayeurs et le qualifié leur action «d’irresponsable». Le mouvement social avait par ailleurs fortement perturbé le trafic aérien au premier trimestre, en France et par ricochet dans toute l’Europe. Furibond, le ministre avait émis l’idée de faire évoluer l’encadrement des grèves des contrôleurs aériens le 15 du même mois.

«Entraver le droit de grève»

Le sénateur centriste Vincent Capo-Canellas a proposé cette modification du code général de la fonction publique dans une loi déposée… le 1er mai, jour de la Fête des travailleurs. Forte du soutien du gouvernement, le texte avait été définitivement adopté par le Parlement le 15 novembre. Saisi par des députés de gauche inquiétés par une loi venant «entraver [le] droit de grève», le Conseil Constitutionnel a jugé ce texte conforme le 21 décembre. Un texte qui «marque un progrès essentiel pour les compagnies et les voyageurs aériens, dans le respect du droit de grève garanti par la Constitution», se réjouissait la semaine dernière Clément Beaune.

Le 22 décembre, des compagnies aériennes européennes ont emboîté le pas au ministre et ont qualifié cette réforme de «première étape importante dans la réduction des perturbations pour les passagers». Cette année, «la majorité des jours de grève [des contrôleurs aériens] comptabilisés dans l’UE ont eu lieu en France, soit 67 au total. Plus de 4 000 vols ont été annulés, 24 000 retardés et plus de 11 millions de passagers en provenance ou à destination de la France, ainsi que ceux survolant le pays» ont été affectés, rappelle la principale association de transporteurs aériens européens, Airlines for Europe (A4E).

Le premier syndicat représentatif des contrôleurs aériens, le SNCTA, avait apporté son soutien au texte, estimant que «l’instrumentalisation du droit de grève et son usage déraisonné ou inconciliable par plusieurs autres organisations syndicales ont conduit, année après année, à une dégradation de l’image de la profession». De son côté, l’USAC-CGT, troisième organisation représentative chez les aiguilleurs du ciel, critique le «positionnement inédit» du SNCTA et a qualifié la réforme «d’attaque sans précédent» contre le droit de grève qui sera «inapplicable et inefficace».