Un réveillon qui a viré au drame. Plus de 3000 passagers qui voyageaient sur la ligne à grande vitesse Sud-Est ont été contraints de passer la soirée de Noël dans un TGV ou un Ouigo «à cause d’un accident de personne dans le sud de la Seine-et-Marne» qui a eu lieu mardi soir vers 20 heures, a indiqué la SNCF.
Ces retards ont été causés par la chute d’un conducteur de train en début de soirée. Son corps sans vie a été découvert un peu plus tard par les pompiers. Cette chute a nécessité l’interruption du trafic sur l’ensemble de la ligne SUD TGV. «Les premières constatations semblent conduire à penser à un acte de suicide du conducteur d’un train TGV», a indiqué mercredi le parquet de Melun (Seine-et-Marne). «Les procédures automatiques de sécurité ferroviaire ont assuré l’arrêt du train», a ajouté le parquet.
A la mi-journée, mercredi, la SNCF a confirmé l’information. Le conducteur «a mis fin à ses jours alors que le train était en train de rouler», a annoncé la société de transports en précisant que «la sécurité des passagers du train n’a été menacée à aucun moment, pas plus que la sécurité des circulations». La compagnie a lancé sa propre enquête tandis qu’une autre, judiciaire, a été ouverte pour recherches des causes de la mort et confiée à la compagnie de gendarmerie de Melun.
Selon un courrier de la direction de l’axe TGV Sud-Est à l’ensemble des équipes, que Libération a pu consulter, le décès est bien celui du conducteur du train n° 6689 qui partait de Paris et avait pour destination Lyon. Selon ce document, «peu après le départ de Paris, le train s’est arrêté à la suite de l’activation du freinage d’urgence par défaut d’acquittement par le conducteur de la veille automatique.» Ce qui signifie que le conducteur n’avait plus la main sur les commandes du train. Une réunion extraordinaire du CSSCT (Commission santé, sécurité et conditions de travail) de la SNCF était prévue ce mercredi après-midi, où devaient être présents les représentants de la direction et des salariés.
Un cheminot engagé à la CGT
L’identité du conducteur a été confirmée par la CGT Cheminots ce mercredi après-midi. Il s’agissait de Bruno Rejony, un homme de 52 ans qui travaillait à la SNCF depuis 1997 et était désormais en poste à Saint-Etienne.
«Bruno a été un militant infatigable de notre organisation, répondant toujours présent pour défendre les intérêts des cheminotes et des chemiots mais aussi de l’ensemble des salariés. Brno portrait haut les valeurs de la CGT, a écrit le syndicat dans un communiqué. Il y a encore quelques jours, il travaillait les revendications des agents de conduit de St Etienne sur les enjeux du maintien d’un accès au TGV pour les conducteurs ligériens.» La CGT dénonce par ailleurs la communication «hâtive de la direction de la SNCF» au sujet des conditions de sa mort alors qu’«aucun élément ne permet de privilégier telle ou telle piste notamment celle d’un suicide».
Communiqué de presse de @CGTcheminotLyon à propos de notre camarade Bruno Rejony. pic.twitter.com/Mtk52Ccmdz
— Cgt cheminots versailles (@cgtcheminotsvch) December 25, 2024
D’après ses réseaux sociaux, Bruno Rejony était habitué des cortèges ces dernières années, notamment contre la réforme des retraites. Homme de gauche, il détestait la politique d’Emmanuel Macron et craignait l’arrivée du Rassemblement national au pouvoir, un parti qui a «les mêmes ides que Macron d’un point de vue économique et social avec un gros relent de fascisme et de racisme», écrivait-il sur son compte Facebook en juin dernier au moment des législatives.
D’après la sénatrice communiste de la Loire Cécile Cukierman, interrogée par l’Humanité, Bruno Rejony était adhérent au Parti communiste français.
Trois à cinq heures de retard
Six TGV ont été affectés par l’évènement, tous sont arrivés à destination. Sur son site internet, la SNCF avait indiqué que les retards pourraient aller jusqu’à 1 h 30 mais les horaires indicatifs relevés par l’AFP mardi un peu avant minuit pour trois trains évoquaient jusqu’à trois à cinq heures de retard. Certains passagers ont exprimé leur désarroi sur X, sans connaître le drame à l’origine du retard.
Super je suis bloqué dans le tgv pas d'eau, pas de nourriture franchement merci pour ce réveillon la SNCF @TGVINOUI
— Lifeisnotdaijobou (@sheldonitoua) December 24, 2024
Pas de geste commercial rien
Merci à vous joyeux Noël pic.twitter.com/s9uR1oLkke
La perturbation de la circulation a touché le TGV Inoui Bruxelles-Lyon numéro 9844 qui devait avoir trois heures de retard, du Ouigo Paris-Lyon Perrache numéro 7805 dont le retard à l’arrivée était estimé à 4 h 40 et du TGV Inoui Montpellier-Paris numéro 6206 qui a dû avoir cinq heures de retard.
«Les Cheminot-es en deuil»
A l’annonce du décès du conducteur, plusieurs hommages lui ont été rendus sur les réseaux sociaux. «Les Cheminot-es sont en deuil suite à la disparition tragique de notre camarade. Les pensées de la fédération CGT vont à la famille et aux proches de la victime. Les attaques contre la corporation Cheminote sont scandaleuses», a écrit la CGT sur X, en réaction aux nombreux commentaires de passagers se plaignant du retard de leurs trains sans forcément en avoir su les raisons.
Le député LFI Thomas Portes et ancien salarié de la SNCF a également critiqué «les chaînes d’info ont enchaîné les reportages sur les pauvres passagers bloqués dans un train le soir de Noël attaquant une fois de plus la SNCF et les cheminots» et ce «alors que nous venons de perdre un camarade» : «Un collègue cheminot a hier perdu la vie, seul, sur son lieu de travail. Nous pensons à sa famille, ses proches et ses collègues cheminots frappés par ce terrible drame.»
Mise à jour le 26 décembre à 10 heures avec l’ajout d’éléments sur le profil du conducteur.