Près d’un avion atterrit ou décolle en temps normal chaque minute de l’aéroport d’Heathrow, dans la banlieue de Londres. Mais ce vendredi 21 mars, aucun n’a pu prendre son envol. Depuis la veille au soir, le plus grand aéroport d’Europe et l’un des plus grands au monde, est à l’arrêt. La faute, explique l’opérateur Heathrow Airport Holdings, à un incendie dans la banlieue de Londres qui a entraîné une panne de courant géante. Libé fait le point sur ce que l’on sait de ces perturbations qui vont continuer d’affecter des centaines de milliers de passagers.
Pourquoi les avions sont-ils à l’arrêt ?
Tout est parti d’un important incendie qui s’est déclaré jeudi soir, vers 23 h 30, dans le poste de transformation électrique de Hayes, dans la banlieue ouest de Londres. Quelque 16 000 foyers ont été affectés par la panne, et de nombreuses entreprises du coin, dont la plus grande : l’aéroport d’Heathrow. Le feu a touché «un transformateur contenant 25 000 litres d’huile de refroidissement», ce qui a entraîné un «danger majeur du fait de la présence des équipements à haute tension», a détaillé Jonathan Smith, un porte-parole des pompiers. «Il y avait un générateur de secours mais il a également été affecté par le feu, ce qui illustre à quel point [cet incident] est inhabituel et sans précédent», a indiqué de son côté le ministre de l’Energie, Ed Miliband sur Sky News. Sans électricité, impossible donc de coordonner les dizaines d’avions qui décollent chaque heure d’Heathrow. C’est donc tout l’aéroport qui s’est retrouvé ce vendredi à l’arrêt.
Combien de vols et de passagers concernés ?
L’aéroport d’Heathrow, c’est une énorme machine qui dessert directement plus de 200 destinations, dans 80 pays, via quatre terminaux. En 2024, il a accueilli 83,9 millions de passagers (son record), loin devant les autres grands d’Europe (70,3 millions de passagers pour Paris-Charles de Gaulle, 66,8 millions pour Amsterdam-Schiphol, 66,2 millions pour Madrid-Barajas). A l’échelle mondiale, Conseil international des aéroports (ACI) le classe à la quatrième place en 2023, derrière Atlanta, Dubai et Dallas. Forcément, chaque heure de panne entraîne des perturbations pour des dizaines de milliers de passagers supplémentaires. D’après le site Flightradar24, 1 350 avions devaient atterrir ou décoller à Heathrow ce vendredi. Soit environ 230 000 personnes qui ont vu leurs vols être repoussés ou annuler.
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L’effet de cette fermeture s’est fait ressentir partout sur la planète. L’aéroport de Gatwick, au sud de Londres, a accepté des vols détournés et de nombreux passagers dont les vols ont été annulés à Heathrow s’y sont aussi précipités pour tenter d’embarquer sur un autre vol. Francfort avait accueilli vendredi matin six vols à cause de la fermeture d’Heathrow, selon l’aéroport allemand. Cinq avions ont aussi été déroutés vers Paris Charles de Gaulle, deux en provenance de Singapour, un de Perth (Australie), un de Dubaï et un de Kigali (Rwanda), a indiqué l’opérateur ADP. Des vols ont également été annulés ou détournés en Asie ou aux Etats-Unis.
Quand le trafic devrait-il reprendre normalement ?
Dans un premier temps, l’opérateur de l’aéroport, Heathrow Airport Holdings, a annoncé une fermeture jusqu’à 23 h 59 ce vendredi 21 mars «pour garantir la sécurité de nos passagers et de nos collègues». Puis, vers 16 heures, il a finalement été annoncé que «certains vols» pourraient avoir lieu dans la soirée ce vendredi avant potentiellement une reprise «complète» samedi.
Pour autant, le groupe explique s’attendre à «de sérieuses perturbations (du trafic) ces prochains jours» et avait appelé plus tôt dans la journée les voyageurs à ne pas se rendre à l’aéroport. En effet, «les passagers, l’équipage, le fret et les avions» ne seront pas là où ils auraient dû se trouver dans les programmes et il faudra «résorber le retard accumulé», explique Anita Mendiratta, experte en tourisme et en aviation, qui conseille notamment l’agence de l’ONU pour le tourisme. «Deux à quatre jours» seront nécessaires estime la spécialiste, pour qui il s’agit d’une opération «extrêmement compliquée». Selon le consultant en aviation Philip Butterworth-Hayes, cela pourrait même prendre «sept ou huit jours pour tout remettre en place».
Que sait-on des raisons de cette panne électrique ?
Dans la journée ce vendredi, la police antiterroriste de Londres a annoncé enquêter sur l’incendie qui a entraîné la fermeture de l’aéroport. Elle a été saisie «par précaution», étant donné la localisation de l’incendie et son «impact sur une infrastructure nationale critique». Cependant, explique la police, il n’y a pas à ce stade «de signe d’acte intentionnel». En fin de journée, les pompiers londoniens en sont venus aux mêmes conclusions : cet incendie «ne semble pas suspect» et l’enquête «va se concentrer sur l’équipement de distribution électrique», a indiqué la London Fire Brigade dans un communiqué.
Une dépendance critiquée
Que l’incendie soit criminel ou non, il a surtout révélé la vulnérabilité de l’aéroport. «Comment se fait-il qu’une infrastructure stratégique […] soit totalement dépendante d’une seule source d’électricité sans alternative ? Si c’est le cas, comme cela semble l’être, c’est un manquement clair d’organisation de la part de l’aéroport», a dénoncé sur X le directeur général de l’Association internationale du transport aérien (IATA), Willie Walsh. Pour cet ancien patron de la compagnie britannique British Airways, l’incident «soulève de graves questions». «Des questions se posent sur la façon dont [cet incident] s’est produit et sur les mesures à prendre pour éviter que les perturbations d’ampleur que nous avons constatées ne se reproduisent», a reconnu un porte-parole du Premier ministre, Keir Starmer, en marge d’une réunion interministérielle.
Mis à jour à 17 h 48 avec la reprise de certains vols ce vendredi.