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Planification

En France, le transport fluvial sort la tête de l’eau

Le fret par voie d’eau a enregistré une croissance annuelle de 4 % en 2021, selon les chiffres publiés mardi 31 mai par Voies navigables de France. Mais ce mode de transport, pourtant vanté pour ses faibles émissions de CO2, reste à la traîne et ne pèse que 3 % du fret total.
Une péniche devant une usine d'incinération et de production d'électricité rejetant des fumées polluantes, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). (Arnaud Paillard/Hans Lucas. AFP)
par Valentin Boero
publié le 31 mai 2022 à 20h23

Mieux, mais encore loin du compte. C’est en substance, le résumé du bilan du trafic fluvial pour 2021 présenté ce mardi par Voies navigables de France (VNF), avec plusieurs semaines de retard. Une publication tardive due, selon Thierry Guimbaud, le directeur général de l’établissement public, à la «période difficile» – une allusion à la crise sanitaire, à laquelle le transport fluvial a toutefois «bien résisté». Le secteur se félicite d’une croissance de 4 % en 2021, par rapport à l’année précédente, avec plus de 52 millions de tonnes transportés. Soit l’équivalent de 2,6 millions de camions évités sur la route. Un résultat positif porté notamment par le BTP (+16 %) qui affiche son niveau le plus élevé depuis 30 ans, principalement grâce au transport de matériaux pour les chantiers du Grand Paris Express et des Jeux olympiques, qui sont «un moteur considérable» sur le bassin de la Seine. Le bassin fluvial parisien reste ainsi logiquement numéro 1 en France, avec une croissance de 8,9 %.

Avec ce bilan, le trafic fluvial renoue avec son niveau de 2019, année pré-Covid qui représentait le record de la décennie. «La dynamique de reprise du trafic est toujours présente», assure le directeur de VNF. Mais les marges de développement sont encore gigantesques. Car si le trafic fluvial était le principal moyen de circulation de marchandises jusque dans les années 60, la désindustrialisation de la France dans les années 70 et la mise en place d’un important réseau routier ont entraîné une longue chute du secteur qui ne s’est inversée qu’à partir de 2019.

Une alternative viable

Thierry Guimbaud espère désormais une croissance du trafic de 50 % d’ici à 2028. Le transport fluvial émettant cinq fois moins de CO2 que le routier, il représente une alternative viable dans l’optique de transition écologique, argumente-t-il, mettant en avant l’utilisation de l’électrique dans le secteur, avec l’installation de 80 bornes sur les bords de Seine prévue d’ici 2023. Avec la multiplication des zones à faible émission (ZFE), qui bannissent les véhicules polluants des grandes villes, «les poids lourds auront de plus en plus de mal à rentrer dans les zones denses», appuie également le directeur de VNF. Autre argument en faveur du fret fluvial, il peut transporter du «très lourd, jusqu’à 5 000 tonnes», soit quatre fois plus qu’un train. Preuve que la pertinence est aussi économique : «Un coût à égal niveau est possible sur le long terme», assure Thierry Guimbaud.

Mais pour l’heure, le fret fluvial reste bien à la traîne, puisqu’il ne représente que 3 % du fret total en France. Et les habitudes sont difficiles à changer. «Le trafic fluvial nécessite une organisation logistique complexe et longue à mettre en place pour être rentable, explique Thierry Guimbaud. Les entreprises ont le réflexe d’investir dans le transport routier qui permet d’obtenir une rentabilité immédiate et une meilleure flexibilité.» Autre frein identifié par VNF : les infrastructures nécessaires sont toujours insuffisantes, avec notamment un manque important d’entrepôts de stockage sur les quais. Face aux 30 000 kilomètres de voies ferrées et au plus d’un million de kilomètres de routes, dont 12 379 d’autoroutes, les quelques 2 000 kilomètres de voies navigables adaptées en France ne pèsent pas lourd.