C’est la fin de plus de six décennies de mystère. Mardi 10 juin, élus et représentants de Saint-Pierre-et-Miquelon ont réuni les rares journalistes présents sur le petit archipel situé à l’est du Canada pour annoncer une découverte inédite : celle de l’épave du Ravenel. Elle marque la fin de «plus de 60 ans de doutes, d’incertitudes et de tristesse», a déclaré à la 1ère Bernard Briand, le président du conseil territorial, alors que le naufrage du chalutier reste la plus grosse tragédie maritime que le territoire ait connue.
Une dizaine de veuves et 27 orphelins
Si l’histoire est peu connue dans l’Hexagone, elle a largement marqué les 6 000 habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le navire avait pris la mer en janvier 1962 avec quinze marins à son bord dans des conditions glaciales : d’après les locaux, il faisait autour de -20 °C et les rafales dépassaient les 120 km/h, ce jour-là. L’équipage n’est jamais revenu, laissant derrière lui une dizaine de veuves et 27 orphelins. Depuis, personne n’avait réussi à retrouver la trace du bateau que tout le monde imaginait gésir quelque part au fond de l’océan. Seuls quelques débris appartenant à l’embarcation avaient été découverts sur une plage de l’île voisine de Terre-Neuve.
Pendant longtemps, les proches des défunts, constitués depuis 2003 en association, sont restés sans réponse et sans soutien de la part de l’Etat français. Jusqu’à ce qu’en 2021 le gouvernement décide, à l’initiative d’Annick Girardin, alors ministre de la Mer et ancienne députée de Saint-Pierre-et-Miquelon, de déployer d’importants moyens pour trouver le navire. Plusieurs expéditions sont lancées, équipées de drones robots et de caméras pouvant sonder les profondeurs de l’océan Atlantique.
Les premières recherches sont infructueuses. Puis, fin mai, des chercheurs du CNRS, accompagné d’un marin à la retraite qui était persuadé d’avoir touché il y a deux décennies une épave au large de Saint-Pierre-et-Miquelon lorsqu’il faisait de la pêche aux crabes, font renaître l’espoir. Des sonars envoyés par l’équipe ont pu capturer plusieurs images de ce qui ressemble à un bateau échoué, à sept milles nautiques (13 km) des côtes de l’archipel et 122 mètres de profondeur. Une nouvelle expédition est organisée à la hâte le 10 juin. Un pêcheur, devenu chasseur d’épaves, est dépêché depuis l’Hexagone et débarque en Amérique du Nord avec ses outils. Un robot sous marin plonge à nouveau et filme l’épave de ce qui est bel et bien le Ravenel.
«C’est fini pour nous : on a trouvé ce que l’on cherchait»
Sur les images, diffusées le lendemain aux familles, on voit un bateau, presque intact, recouvert de végétation marine. «Il y a un faisceau d’éléments concordants par rapport aux images qu’on avait du navire à flot, a détaillé Bernard Briand. On est parti de l’avant du bateau, on a reconnu les rambardes, ensuite le chalut, et on est arrivés à la timonerie sur laquelle il y avait la cloche, l’un des éléments principaux pour identifier le Ravenel.» Impossible cependant pour l’heure de déterminer les raisons qui ont causé le naufrage du bateau.
Nathalie Rebmann, la nièce d’un disparu, qui a assisté à la retransmission, a témoigné au micro de la 1ère : «C’était beau, époustouflant, et en même temps mystérieux de se dire qu’il était si près de nous, posé là sur le sable, et que ça faisait pourtant si longtemps qu’on le cherchait.» «Quand ils ont montré la cloche et le carreau ouvert, c’était poignant. On peut imaginer le capitaine derrière la vitre, donnant ses ordres», appuie auprès de l’AFP André Autin, qui avait 19 ans en 1963 quand il a accepté de céder sa place sur le navire à «un copain».
«Depuis le temps qu’on était dans le doute, maintenant ça y est, tout est rentré dans l’ordre. C’est fini pour nous : on a trouvé ce que l’on cherchait», a également déclaré Sybil Olano, le président de l’association des Disparus du Ravenel. Ce fils d’un des marins du Ravenel souhaite désormais qu’une cérémonie soit organisée «prochainement» au-dessus de l’épave pour que les familles puissent s’y recueillir, à défaut de pouvoir la remonter à la surface en raison de la profondeur à laquelle elle se trouve. Un hommage sera également rendu aux disparus le 22 juin lors de la fête annuelle des marins de Saint-Pierre-et-Miquelon.