Le prix étant encore le frein majeur de l’achat d’un véhicule électrique, les yeux sont braqués sur l’évolution des aides financières de l’Etat. Et elles risquent de diminuer. Si le futur gouvernement de Michel Barnier suit les coupes préconisées par son prédécesseur dans la lettre de cadrage envoyée par Matignon au ministère de la Transition écologique, l’enveloppe globale consacrée au verdissement du parc automobile devrait être réduite de 1,5 milliard à 1 milliard d’euros. Rien n’est écrit, en revanche, sur la manière dont cela se matérialisera pour les consommateurs, alors que plusieurs hypothèses ont été étudiées. Nouvelle baisse du bonus écologique ? Limitation du nombre de dossiers de leasing social ? Ou un bonus écologique dont seraient exclus les 20 % les plus riches ?
«Amorcer les ventes»
Depuis sa création en 2007, le bonus écologique a beaucoup évolué et a petit à petit été fléché vers les voitures électriques. François Hollande l’a fait naviguer de 7 000 à 6 000 euros pour ces dernières avant qu’Emmanuel Macron ne le relève à 7 000 euros, jusqu’à fin 2021. Mais il a depuis fondu de 1 000 euros chaque année avant d’échouer à 4 000 euros, depuis début 2024, hormis pour les moins riches, qui ont toujours droit à un bonus majoré de 7 000 euros. Une personne célibataire payée 1 600 euros par mois, juste au-dessus du seuil, peut se voir exclue du bonus majoré et donc, de fait, de la possibilité d’acheter un véhicule électrique neuf, dont le prix oscille entre 25 000 et 35 000 pour les modèles les moins chers.
Le gouvernement préfère désormais miser sur le leasing social. Et si elle a rempli sa mission, en permettant à des foyers des classes populaires et, surtout, moyennes inférieures, d’accéder au 100 % électrique, l’aide dédiée à ce système est très coûteuse (13 000 euros par véhicule) et n’a concerné que 50 000 dossiers en 2024. A comparer au 1,78 million de voitures particulières neuves vendues en 2023 et aux 5,3 millions de modèles d’occasion, toutes motorisations confondues. Bercy se justifiait en parallèle de la baisse progressive du bonus écologique au tournant de l’année 2023, arguant que le but de cette aide était une manière «d’amorcer les ventes», qu’il était donc destiné à s’estomper, en particulier pour les moins riches. «Le budget de verdissement du parc automobile français de 1,5 milliard d’euros est de plus en plus ciblé vers les ménages les plus modestes, précisait alors Bercy. C’est ainsi que l’aide publique est la plus efficace pour déclencher un acte d’achat de voiture électrique.» Le ministère de l’Economie se targuait de maintenir le montant de l’enveloppe globale. Qui risque finalement de baisser de 500 millions un an plus tard.
Effet d’aubaine pour les industriels
Surtout, le ciblage des aides vers les moins aisés, s’il est porté par une réflexion noble vers l’équité et l’efficacité budgétaire, interroge en revanche l’urgence climatique, qui impose de réaliser la transition vers le 100 % électrique le plus rapidement possible. Selon les chiffres du ministère de la Transition écologique, seuls 11 % des ménages gagnant moins de 30 620 euros par an ont fait le choix d’une voiture électrique neuve en 2022, quand ceux gagnant plus de 62 250 euros étaient 25,5 %. Le cas de la Norvège, dont le PIB par habitant est parmi les plus élevés de l’OCDE, est éloquent : 82 % des voitures neuves vendues en 2023 étaient électriques, avec un objectif de 100 % en 2025. L’OCDE l’assure : «Le succès de la Norvège dans la promotion des véhicules électriques est principalement dû à des incitations fiscales généreuses.»
Mais les aides à l’achat ne sont-elles pas aussi un effet d’aubaine pour les industriels ? Lorsque le bonus écologique a pris fin début 2024 pour les voitures assemblées en Chine, les constructeurs concernés ont adapté leur prix, ceux de la MG 4 et de la Tesla Model 3 baissant de plusieurs milliers d’euros dans les semaines qui ont suivi. Comme une illustration du fait que les aides ne sont pas le seul curseur pour que s’opère la transition vers des voitures moins polluantes.