«C’est un bilan clairement en demi-teinte», a déclaré le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, en présentant mercredi 18 octobre à la presse un rapport de l’institution pointant la dégradation de la satisfaction des usagers des lignes du RER francilien, appelant à plus de contrôles et d’investissements mais aussi à un changement d’organisation sur la ligne B, souvent citée comme la plus problématique du réseau.
Sans surprise, les exploitants du RER en Ile-de-France que sont la RATP et la SNCF en prennent pour leur grade : pour les magistrats de la rue Cambon, leurs performances sont «peu satisfaisantes», ce que les voyageurs qui empruntent quotidiennement ses rames bondées ne démentiront pas. Et la fiabilité de l’ensemble Réseau express régional est mise en cause. Le RER B, accessoirement le deuxième axe ferroviaire le plus fréquenté d’Europe, est en état de saturation notoire. Et c’est le plus touché par des incidents de toute nature, auxquels sont abonnés environ le million d’usagers qui transite quotidiennement sur la ligne. Celle-ci, qui dessert trois aéroports, la Maison des examens, et relie les quartiers de la banlieue Nord à ceux de la banlieue Sud, connaît quasi quotidiennement des retards, allant de quelques minutes à parfois des arrêts de service de plusieurs heures. Son collègue, le RER D est, lui aussi, saturé.
Commentant ce constat sans surprise de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, décrit la situation du RER comme étant en plein dans «le paradoxe français», à savoir que «le taux de la dépense publique atteint des sommets», alors que «les Français sont de moins en moins satisfaits par le service public». Le coût du pass Navigo, qui devrait encore augmenter en début d’année 2024, la dégradation de la fiabilité du réseau et la constante augmentation de sa fréquentation (à raison de 2 % de voyageurs supplémentaires par an depuis 2010) expliquent assez logiquement la chute constante du niveau de satisfaction globale des usagers.
«Sous-investissement» sur le matériel roulant
Le rapport confirme une fois de plus l’état de saturation des deux lignes, qui disposent depuis de nombreuses années du même nombre de rames, pour certaines datant des années 80, devenant de plus en plus insuffisant. Et constate que l’état actuel des infrastructures ne facilite pas la tâche. Le président de la Cour des comptes a pointé du doigt l’absence de «responsabilité directe» de SNCF réseau quant à l’entretien des infrastructures, ce qui crée inévitablement une «asymétrie flagrante» avec la RATP. A ce titre, le rapport rend compte de la complexité de l’organisation actuelle des lignes partagées entre opérateurs, qui participe à «diluer les responsabilités».
Les problématiques auxquelles sont confrontées les lignes de RER, viennent, selon Pierre Moscovici du fait que «le RER souffre d’un sous-investissement certain» en matière de matériel roulant, d’infrastructures et de systèmes d’exploitation. Toutes les lignes du Réseau express métropolitain sont concernées par ces lacunes, à l’exception du RER A, qui siège toujours à la première place européenne en termes de fréquentation, et a bénéficié d’investissements importants ces dernières années.
La Cour des comptes s’en prend également aux critères sur lesquels se basent les enquêtes de satisfaction menées chaque année par Ile-de-France Mobilités : les critères choisis, la ponctualité et la confiance dans la fiabilité globale du réseau ne traduisent pas vraiment l’amer ressenti des usagers.
Ile-de-France Mobilités accuse le coup
En prévision de ce rapport quelque peu sévère, Ile-de-France mobilités a annoncé mardi, à la veille de la publication du rapport, un plan d’action afin d’améliorer l’offre et la ponctualité des deux derniers de la classe, les RER B et D. Le projet, qui permettra selon le PDG de SNCF voyageurs Christophe Fanichet d’«optimiser au maximum les infrastructures ferroviaires existantes», prévoit un tout nouveau système de signalisation et de contrôle de la circulation, visant à améliorer la cohabitation et donc la ponctualité des trains de ces lignes, qui se partagent le tunnel entre les stations Gare du Nord et Châtelet.
En dévoilant un audit commandé à l’ancien directeur général de la RATP Yves Ramette, la présidente de la région Ile-de-France et d’Ile-de-France Mobilités, Valérie Pécresse, a rappelé que le RER B – ligne la plus «en souffrance», a-t-elle reconnu – allait bénéficier d’un investissement de 5 milliards d’euros. La moitié destinée à l’acquisition de nouvelles rames. De même, elle a insisté sur l’automatisation prévue des lignes B et D, qui promet selon elle une nette «amélioration de la ponctualité» d’ici 2031. Un peu loin mais les habitués du RER ont l’habitude d’attendre.
Alors que le développement et la qualité des transports en commun représentent des enjeux majeurs de la décarbonation, Valérie Pécresse a sommé la SNCF et la RATP de faire un effort de coordination afin d’améliorer les résultats en termes de circulation et de maintenance, tout en affirmant vouloir «commencer à rétablir la ponctualité dès 2024».