Des chauffeurs de l’opérateur accusent le transporteur public francilien de leur imposer des manipulations pour camoufler les signaux d’alerte des bus avant leur contrôle technique semestriel, selon leurs témoignages dans une enquête du Parisien publiée mercredi 21 août. Le but de cette opération serait d’éviter la détection d’un éventuel dysfonctionnement et l’immobilisation du bus. La RATP, dans un communiqué publié dans la nuit de mercredi à jeudi, dit réfuter «vigoureusement toutes allégations remettant en cause la sécurité des passagers de ses bus», dont elle fait «une priorité absolue».
D’après les témoignages récoltés, les chauffeurs se voient confier une valise électronique avec laquelle ils peuvent «effacer tous les voyants signalant un souci technique sur le tableau de bord avant le passage au contrôle». Selon le Parisien, «l’ordinateur de bord n’a pas le temps de rallumer les alertes» et «cette manipulation douteuse permettrait, selon les conducteurs interrogés, d’éviter une contre-visite, obligatoire si un voyant est allumé lors du contrôle technique».
Au Parisien, la RATP a déclaré qu’un «voyant orange de tableau de bord n’est pas bloquant en termes de sécurité pour la conduite du véhicule, seul le voyant rouge l’est». Elle reconnaît que la «valise de diagnostic» permet «de remettre à zéro les valeurs de mesure». «Mais lorsque le bus est mis sous tension lors du contrôle technique, en cas de dysfonctionnement majeur, le défaut apparaît de nouveau», s’est encore défendu la Régie.
Une moindre disponibilité de la flotte
La méthode éviterait des immobilisations coûteuses et une moindre disponibilité de la flotte, synonyme de potentielles pénalités pour le transporteur public, affirme le quotidien. Le Parisien assure avoir «pu constater l’opération par lui-même» en juin et juillet devant un centre de contrôle du Val-d’Oise accueillant des bus circulant dans Paris intra-muros.
La pratique concernerait «au moins la moitié de la vingtaine de centres [dépôts de bus, ndlr] à Paris et en petite couronne», estime Luc Wallop, ex-représentant du personnel au conseil d’administration de la RATP, présenté par le quotidien comme le «lanceur d’alerte sur ce sujet». «Tous les bus font l’objet d’un entretien et d’un suivi rigoureux», assure la RATP dans son communiqué, avec un contrôle technique «effectué tous les six mois par des centres externes agréés par la préfecture de département conformément à la réglementation» sur les véhicules lourds.
La société «n’a pas connaissance de telles pratiques», s’est défendue la RATP auprès du quotidien. Ce jeudi 22 août, un porte-parole de l’opérateur a réagi en dénonçant «des allégations graves et inacceptables à l’encontre de la RATP et de ses pratiques de sécurité pour les bus». Il a ensuite précisé «que 150 points de contrôle sont effectués sur un bus de manière indépendante et qu’il n’est pas possible de cacher un défaut sur un bus lors d’un contrôle technique». Selon lui, un voyant peut s’allumer après un parcours à une vitesse supérieure à la moyenne habituelle d’un bus afin de rejoindre un centre de maintenance, pour indiquer que les particules émises sont plus élevées qu’à vitesse réduite. C’est à ce moment-là que la fameuse valise est utilisée pour effectuer une nouvelle mesure de pollution.
Valérie Pécresse exige que «toute la lumière soit faite»
Dans son communiqué, la RATP contre-attaque aussi, accusant l’article de se baser, entre autres, «sur le témoignage de deux agents impliqués dans des accidents en 2020, pour lesquels ils ont été reconnus responsables, et qui sont actuellement en contentieux avec l’entreprise». Avec «plus de 5 000 bus qui circulent en Ile-de-France» et qui doivent «passer cet examen de validation tous les six mois, le contrat de la RATP est juteux pour l’entreprise Dekra, qui assure ces contrôles», ajoute le Parisien.
Sans attendre ces explications, Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de France – à la fois tutelle et financeur de la RATP –, s’est fendue d’un message sur X assez sec dans lequel elle demande à Jean Castex, le PDG de la RATP, de «rendre sans délai des comptes» afin que «toute la lumière soit faite». Et elle a visiblement été entendue : le délégué général à la sécurité de la régie des transports parisiens s’est vu confier une mission afin de «faire toute la lumière sur ces allégations et rétablir la vérité sur les pratiques de la RATP en termes de sécurité routière et de contrôle technique». L’opération devrait prendre quinze jours mais les premières conclusions sont attendues dès ce week-end.
Cette affaire suscite visiblement un certain embarras, y compris dans les rangs des organisations syndicales de la RATP. La plupart des représentants des salariés que Libération a essayé de joindre se sont abstenus de tout commentaire, visiblement cueillis à froid par les pratiques mises en cause.
Mis à jour à 18h48 avec d’avantage d’éléments.