Le secteur des transports est le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre en Europe (26,2%), comme en France (32,3%). Leur rôle dans l’urgence climatique est donc primordial, au-delà des bienfaits pour la santé qu’auraient l’électrification des usages et la limitation des transports. Parmi les modes de circulation, le transport routier écrase tout, avec 71,7% (dont 60,6 points pour les seules voitures). Mais l’aviation civile, avec 13,4% des émissions des transports dans l’UE (et 3,8% tous secteurs confondus) est également montrée du doigt, notamment en raison de son caractère inégalitaire – seule 1% de la population émet 50% des émissions de l’aviation commerciale selon une étude publiée dans la revue Global Environmental Change en 2020.
Et si les émissions de l’aérien ont explosé depuis 1990, Transport & Environment (T&E), l’organisation européenne qui regroupe une cinquantaine d’ONG actives dans le domaine du transport et de l’environnement, estime dans un rapport publié ce lundi 13 janvier que «le trafic aérien de passagers au départ des aéroports de l’UE va plus que doubler en 2050 par rapport à 2019, si les projections de croissance d’Airbus et de Boeing se concrétisent». De quoi «annihiler» tous les efforts qu’a promis d’entreprendre le secteur avec les carburants moins émetteurs.
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T&E établit ses données grâce aux projections des deux principaux avionneurs au monde : Airbus et Boeing. Le constat est selon eux sans appel : le trafic serait 2,3 fois plus important en 2050 qu’en 2019, et 60% supérieur à ce que la Commission européenne prévoit pour 2040. Conséquence : les avions brûleront 59% fois plus de carburant d’ici cette date, de quoi rejeter 960 millions de tonnes de CO2 en plus par rapport à ce que la Commission prévoit d’ici 2040.
Autant de kérosène polluant brûlé en 2049 qu’en 2023
Le secteur avance de son côté plusieurs avancées majeures concernant l’«avion vert». Sans même aller jusqu’à l’avion électrique, les principaux espoirs se situent au niveau de carburants moins émetteurs. En 2023, l’Union européenne a adopté un nouveau règlement dans le sillage de l’initiative «ReFuelEU aviation», qui établit le cadre juridique et commercial pour l’utilisation des carburants durables d’aviation (CDA), comme les biocarburants et l’hydrogène renouvelable ou bas carbone (e-kérosène). Avec des paliers pour les fournisseurs de carburants : 2% de CDA en 2025, 6% en 2030 et 70% en 2050 ; mais aussi jusqu’à 35% de carburant de synthèse en 2050.
Sauf que l’explosion du trafic risque de contrebalancer tous ces efforts technologiques, puisque T&E estime que le secteur brûlera finalement autant de kérosène «brun» en 2049 qu’en 2023 – avant une chute en 2050 en raison de l’atteinte du dernier palier pour les CDA. De quoi ne faire baisser la part des émissions de gaz à effet de serre dans l’aérien que de 3%. Surtout, l’ONG craint que la production de biocarburants dits «durables» (huiles de cuisson, déchets alimentaires…) ne puisse satisfaire la demande ; mais aussi que l’électricité nécessaire pour produire du e-kérosène soit trop énergivore en l’état actuel de la technologie – en 2050, elle pourrait être supérieure à la production actuelle d’électricité dans toute l’Allemagne.
Développer le rail plutôt que l’aérien
Pour éviter ces sombres prévisions, T&E exige que la Commission et les Etats membres prennent quatre paquets de mesures. A commencer par les infrastructures : «Permettre à un secteur dépendant des énergies fossiles de continuer à se développer, en construisant de nouveaux terminaux aéroportuaires et en augmentant ses capacités, est incompatible avec les objectifs climatiques de l’UE», assène l’ONG. Concernant le carburant, elle souhaite que les Etats membres arrêtent les «subventions injustifiées» pour le kérosène issu du pétrole mais aussi que l’UE pousse à un développement plus efficace du e-fuel, plutôt qu’à l’utilisation des biocarburants.
Enfin, elle appelle l’Union européenne à «maximiser» tout le potentiel du rail sur le Vieux Continent, en avançant le plus efficacement et vite possible sur le réseau transeuropéen de transport – un dossier sur lequel Bruxelles et plusieurs Etats avancent à un bon rythme. Car si le plus efficace pour le climat concernant l’aviation serait de limiter son développement, T&E ne demande pas pour autant à ce que les Européens circulent moins.