La nouvelle est tombée jeudi : la ligne 17 du Grand Paris Express (GPE), qui doit relier, d’ici 2030, Saint-Denis à l’aéroport de Roissy en passant par le Bourget, est sauvée. Ainsi en a décidé la cour administrative d’appel de Paris, qui a débouté dix associations de défense de l’environnement à l’issue d’un feuilleton judiciaire de trois ans tenant en haleine décideurs politiques et aménageurs sur tout le territoire.
«Si on avait perdu, il aurait été difficile de ne pas en conclure que l’Etat de droit entrave tout grand projet d’infrastructure», explique à Libération Jean-François Monteils, le président du directoire de la Société du Grand Paris, maître d’ouvrage de ce super métro «décarboné». Mais à travers le GPE s’affrontent aussi, pour le haut fonctionnaire, deux conceptions de l’écologie : une «écologie décroissante et radicale», justifiée par l’urgence climatique, et une «écologie constructive et de croissance».
Pour désenclaver les villes, un projet coûteux en terres
Rousseau contre Jadot, en quelque sorte. Mais pas seulement. «Le juge a fait une balance des intérêts publics entre, d’une part, la nécessité de préserver les terres agricoles et la biodiversité et, de l’autre, la nécessité de développer le nord de l’Ile-de-France dont la ligne 17 constitue la colonne vertébrale», analyse un ancien préfet de la région-capitale. Car cette desserte a un fort contenu social : elle doit permettre de raccorder l’est du Val-d’Oise et l’ouest de la Seine-Saint-Denis, deux territoires marqués par un fort taux de chômage, au bassin d’emploi de Roissy. Et désenclaver des villes qui ne sont accessibles qu’en voiture ou via des bus. «La République s’est faite avec les chemins de fer. Cette ligne-là va affirmer le pacte républicain en montrant qu’il n’y a pas de territoire relégué», ajoute cette source.
Revenons en arrière. Pour ses détracteurs, le sort de la ligne 17 s’est joué en novembre 2019, quand le gouvernement a enterré Europacity. Ce mégacomplexe de commerces et de loisirs devait être construit dans le triangle de Gonesse, une enclave verte de 700 hectares, et desservi par la gare du même nom. Hasard du calendrier, une semaine plus tard, le tribunal administratif de Montreuil suspendait les travaux de construction de la gare et d’une zone d’activités attenante. La raison ? Le projet consomme trop de terres agricoles et sous-estime les incidences sur le vivant : il menace en particulier deux couples de chardonnerets, une espèce protégée.
Le chantier de la ligne 17 s’arrête. Pour ne reprendre qu’un an plus tard, en novembre 2020, quand la Cour administrative d’appel de Versailles se déclare incompétente et renvoie la balle à son homologue parisienne. Il s’interrompt de nouveau quand survient le Covid-19, qui pose lui aussi la question de la pertinence de cette infrastructure à l’heure de la généralisation du télétravail et de la disgrâce qui frappe la métropole parisienne. Pour les organisateurs des Marches des terres, qui ont rallié Paris dimanche depuis Gonesse ou Saclay (Essonne), «les projets aberrants se multiplient en Ile-de-France : gares inutiles du Grand Paris Express, infrastructures olympiques surdimensionnées, entrepôts de logistique, data centers, stockage de déchets inertes…» Mais la lutte contre le séparatisme vaut bien un couple de chardonnerets.