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Libération
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Michelin, Continental, Goodyear… Qu’est-ce que le «cartel du pneu» dans le viseur de l’UE ?

La Commission européenne a annoncé mardi avoir lancé des investigations d’ampleur sur une possible entente sur les prix entre les grandes entreprises mondiales de pneumatiques, entravant les règles de concurrence.
L'entreprise française Michelin, numéro 1 mondial du pneu, est visée par l'enquête de la Commission européenne. (Jean-Sebastien Evrard/AFP)
publié le 31 janvier 2024 à 15h45

La concurrence libre et non faussée, vraiment ? La Commission européenne a annoncé mardi 30 janvier lancer des inspections inopinées chez des fabricants de pneus dans plusieurs pays membres de l’UE. L’institution, qui veille au respect des règles de la concurrence dans l’Union européenne, dit craindre «qu’une coordination des prix ait eu lieu» entre plusieurs entreprises du secteur. Libération revient sur ce qui semblerait être un «cartel du pneu».

Qu’est-ce qu’un «cartel» ?

Rien à voir avec les substances illicites. En économie, un cartel est une entente secrète entre des concurrents. Plusieurs entreprises d’un même secteur s’arrogent le monopole sur un produit dans le but de contrôler le marché et de maximiser leurs profits. En alignant leurs prix, les sociétés ne se retrouvent plus dans une logique de compétition, qui pourrait normalement les pousser à baisser leurs prix respectifs. In fine, cette entente nuit aux consommateurs. Il s’agit d’une pratique contraire au droit de la concurrence, un des piliers du marché de l’Union européenne.

Cette pratique illégale, lorsqu’elle est constatée, peut coûter cher aux firmes. Une entreprise déclarée coupable peut se voir infliger une amende atteignant jusqu’à 10 % de son chiffre d’affaires annuel mondial. Par exemple, en 2021, la Commission européenne a sanctionné les constructeurs automobiles allemands BMW et Volkswagen pour entente illégale. Selon le gendarme européen de la concurrence, les deux entreprises s’étaient entendues pour limiter le développement d’une technologie permettant de rendre les voitures moins polluantes entre 2009 et 2014.

Quels fabricants de pneus sont soupçonnés d’avoir formé un cartel ?

Si la Commission européenne n’a pas dévoilé les noms des entreprises visées par des inspections, plusieurs d’entre elles ont confirmé être concernées par l’enquête, histoire de montrer patte blanche.

Le groupe français Michelin a assumé dans la foulée mardi être l’un des fabricants de pneus européens dans le viseur de la Commission. Toutefois, il conteste «catégoriquement l’existence de pratiques anticoncurrentielles telles qu’évoquées par la Commission européenne dans sa communication de ce jour, et a fortiori toute pratique de coordination sur les prix». L’entreprise basée à Clermont-Ferrand assure «appliquer scrupuleusement les règles de concurrence dans tous les pays dans lesquels il opère».

L’équipementier allemand Continental a aussi rapidement confirmé être concerné par les investigations. «Des inspections des autorités antitrust sont en cours chez Continental en Allemagne», a déclaré un porte-parole de l’entreprise. Idem pour son concurrent finlandais Nokian : «La Commission européenne a entamé aujourd’hui une inspection inopinée au siège de Nokian Tyres à Nokia, en Finlande», a écrit le groupe sur son site, précisant ne pas disposer d’informations sur l’issue de l’inspection et ne pas pouvoir faire de commentaire. «Nokian Tyres coopère pleinement avec les autorités», assure le groupe.

Autre cible : le groupe américain Goodyear. «Nos bureaux européens ont fait l’objet aujourd’hui d’inspections non prévues. Il est trop tôt pour spéculer sur ce qui a pu se passer exactement, mais nous coopérons pleinement», a expliqué un porte-parole. Un autre concurrent japonais, Bridgestone, a fait l’objet d’une inspection menée à son siège pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique situé en Belgique. «En tant qu’entreprise responsable qui s’engage à respecter des pratiques équitables et à faire preuve de transparence, Bridgestone coopère pleinement» aux investigations, a déclaré le groupe.

Que vont donner ces inspections ?

Aucun délai légal n’est fixé pour mener à bien ce type d’enquêtes, qui se déroulent avec les «autorités nationales de la concurrence des Etats membres», précise la Commission européenne sans citer les pays concernés. En France, c’est l’Autorité de la concurrence qui se charge de lutter contre les ententes, les cartels et les abus de position dominante sur le marché.

Ces premières inspections ne sont qu’un début et ne présument pas qu’un tel cartel du pneu existe en Europe. «Les inspections inopinées constituent une étape préliminaire dans toute enquête sur des pratiques anticoncurrentielles présumées. Le fait que la Commission procède à de telles inspections ne signifie pas que les entreprises soient coupables et ne préjuge pas de l’issue de l’enquête elle-même», a rappelé à l’exécutif européen. Mais la loi du marché est déjà venue se rappeler au bon souvenir des fabricants de pneus : les actions des entreprises du secteur ont perdu du terrain en Bourse depuis l’annonce de ces inspections surprise, notamment Michelin (-0,84 %) et Continental (2,05 %).