Des centaines d’usagers et d’élus locaux des lignes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt) se rendent ce mardi 15 avril dans la capitale dans deux «trains de la colère» pour demander davantage d’investissements pour ces «lignes sinistrées». Ils dénoncent de nombreux retards, des suppressions régulières et des pannes de locomotives.
«Depuis qu’il y a eu le premier TGV en 1981, le réseau classique a été sous-entretenu. Sur la ligne Polt, il faut tout reprendre : changer les rails, les traverses, le ballast, les poteaux caténaires, les fils de contact […] et mettre des locomotives en état de marche», résume Jean-Noël Boisseleau, vice-président d’Urgence ligne Polt. «Nous sommes considérés comme des citoyens de seconde zone avec des temps de trajet de plus en plus lents et de moins en moins fiables», lance le président du département du Lot, Serge Rigal, où passe la ligne Polt.
Idem sur la ligne Paris-Clermont, où le ministre des Transports, Philippe Tabarot, a lui-même reconnu «une qualité de service qui n’est pas à la hauteur». Il a annoncé vendredi à Clermont-Ferrand un «geste tarifaire» : 10 000 billets à 19 euros en vente en juin, 10 % de réduction sur les abonnements et la généralisation du remboursement à 200 % au-delà de trois heures de retard. En 2024, sur cette ligne, environ un train sur cinq affichait un retard de plus de cinq minutes, selon le cabinet du ministre et les associations d’usagers. En janvier, à cause d’une panne de locomotive, des passagers sont arrivés avec près de douze heures de retard à Paris.
Près de 3 milliards d’euros d’ici 2027
La SNCF a pourtant lancé en 2018 un programme de modernisation des lignes Polt et Paris-Clermont, «deux axes majeurs en pleine expansion», mais «encore équipés d’installations techniques hétérogènes et vieillissantes», reconnaît-elle. La compagnie ferroviaire prévoit «des investissements sans précédent» de près de 3 milliards d’euros d’ici 2027.
«Une régénération partielle qui pour nous n’est pas suffisante», dénonce Jean-Noël Boisseleau, estimant qu’il faudrait «2,5 à 3 milliards d’euros supplémentaires pour que, vraiment, on reparte pratiquement à neuf. On ne conteste pas ce que dit la SNCF. On dit simplement que c’est bien, mais insuffisant.» Son association espère réunir entre 500 et 800 manifestants ce mardi à Paris, une fois que les voyageurs des deux lignes se seront rassemblés à la gare d’Austerlitz, rejoints par des cheminots.
Reportage
Le vice-président d’Urgence ligne Polt met également en cause «l’erreur qu’a été la scission de la SNCF» comme une des raisons de cette situation. En 2018, la compagnie ferroviaire a été divisée en cinq sociétés anonymes : SNCF réseau, SNCF voyageurs (en charge des trains), SNCF gares et connexions, Fret SNCF et SNCF holding, qui comprend la direction du groupe. «On a multiplié la bureaucratie au détriment du cœur de métier. On n’a plus assez de conducteurs, de contrôleurs, de personnel dans les gares et les guichets», fustige Jean-Noël Boisseleau.
La circulation interrompue huit heures par jour du 4 août 2025 à la fin janvier 2026
La ligne Polt, plus de 700 km de voie ferrée, et la Clermont-Paris (420 km), transportent respectivement 2,6 et 1,9 millions de voyageurs chaque année dans des trains Intercités. «En modernisant ces deux axes stratégiques», la SNCF compte rendre les «trajets plus rapides, plus fiables et plus accessibles».
Mais les choix de l’entreprise pour mener à bien ces travaux de rénovation font aussi débat. Ainsi, une «opération de renouvellement de la voie ferrée de grande ampleur» de la ligne Polt dans le Loiret, s’étendant sur 70 kilomètres, entraînera des interruptions ponctuelles de la circulation. Comme le rappelle Le Parisien, le chantier comportera trois phases. D’abord les travaux préparatoires, du 22 avril au 1er août 2025, puis les travaux principaux, du 4 août à fin janvier 2026, avec une pause pendant les vacances de Noël, du 20 décembre au 4 janvier. En attendant les travaux de finition, de fin janvier 2026 jusqu’au 26 mars 2026.
Interrogée par le quotidien régional, la directrice régionale TER SNCF Voyageurs, Hélène Marquet, assure que «les travaux préparatoires du 22 avril au 1er août 2025 auront des impacts limités, majoritairement entre 10 et 15 heures. Plus de 90 % des 365 circulations hebdomadaires empruntant l’axe seront assurées. Les travaux principaux du 4 août 2025 à fin janvier 2026 auront des impacts uniquement en semaine, entre 9 h 30 et 17 h 30.»
Il s’agit de «rénover entièrement» ces voies (rails, traverses et ballast), «au moyen d’un train-usine, véritable usine roulante capable de très hauts rendements», précise la SNCF, pour qui «sans cette organisation industrielle, ces travaux dureraient plusieurs années». Un choix critiqué par Jean-Noël Boisseleau, qui considère que l’on aurait pu éviter cette interruption totale de la circulation : «Le trafic pourrait passer sur une voie et laisser l’autre libre. Mais pour la SNCF, financièrement, ça coûte moins cher de carrément bloquer des plages horaires et d’utiliser les deux voies en même temps».