Il a joué, il a gagné. Le ministre délégué aux Transports Patrice Vergriete a annoncé le 3 avril qu’un accord sur un pass rail estival avait été trouvé avec les trois régions récalcitrantes (Normandie, Hauts-de-France, et Auvergne-Rhône-Alpes). Puis il a déclaré le vendredi 5 avril que les ventes seraient ouvertes «début juin». Pour 49 euros, le pass rail offrira à 700 000 jeunes de moins de 27 ans un droit d’usage illimité des réseaux Intercités et TER dans toute la France pour les mois de juillet et d’août 2024.
Interview
A qui est destiné le pass rail, et comment pourra-t-on l’obtenir ?
Il sera accessible, pendant les deux mois d’été, aux moins de 27 ans et sera valable sur tout le réseau RER et Intercités de France, mais pas dans les RER et les transiliens internes à l’Ile-de-France. Sur l’antenne de Sud Radio vendredi 5 avril, Patrice Vergriete a par ailleurs détaillé que les ventes seraient ouvertes «début juin», et qu’il «y aura forcément un site Internet», avant de repréciser : «ce sera peut-être sur le site de la SNCF directement». Le ministre a aussi expliqué vouloir «peut-être aller plus loin à terme» : il envisage de permettre aux détenteurs du pass de voyager en illimité toute l’année. Mais aussi de l’internationaliser : «Hier, j’ai rencontré mon homologue allemand, on réfléchit à l’horizon 2025 à un passe rail franco-allemand pour voyager avec un même abonnement de 49 euros en France et en Allemagne». Si les TGV n’ont jamais été prévus dans le dispositif 2024, celui-ci a considérablement évolué par rapport au projet de départ.
A l’origine, Clément Beaune, ex-ministre des Transports, souhaitait un pass français sur le modèle du «Deutschlandticket» allemand : un forfait «autour de» 49 euros pour tous les Français quel que soit leur âge, illimité, valable dans toutes les régions, et qui fonctionnerait en continu à partir de l’été 2024. «La philosophie du projet visait les transports interurbains, pour permettre aux Français de voyager le week-end sur de longues distances à moindre coût», rappelle à Libé Pierre-Jean Baty, conseiller régional Modem d’Ile-de-France et membre du conseil d’administration d’IDF Mobilités. La version la plus ambitieuse du pass avait été chiffrée à 3 milliards d’euros par an par l’eurodéputée écologiste Karima Delli, dans un «livre blanc» publié fin septembre et coécrit avec plusieurs experts.
Interview
Mais dès son annonce début septembre 2023, le projet nage dans le flou. Des négociations, tendues, démarrent entre le gouvernement et les régions. Elles butent, avant tout, sur des questions financières. Qui paye quoi ? Ce mercredi, le ministre des Transports fait mine de jeter l’éponge. Avant d’emporter le morceau. Sauf qu’aujourd’hui, «on se retrouve avec un demi-pass rail, un abonnement au rabais», s’agace Jean-Baptiste Pegeon, conseiller régional écologiste d’Ile-de-France et également membre du conseil d’administration d’IDF Mobilités.
Chez Pol
Pourquoi l’Ile-de-France n’est pas de la partie ?
Depuis le lancement du projet, les régions ont systématiquement exigé que la région francilienne y soit associée. Cela a même été l’un des principaux points de discorde – avec la question du financement – au cœur des négociations jusqu’au dernier moment ce mercredi. La raison de ce traitement particulier tiendrait, selon au conseiller régional Pierre-Jean Baty, à l’organisation des transports dans la région : «L’Ile-de-France n’a pas de TER, mais des RER et des transiliens. Ce sont des transports utilisés pour faire des trajets quotidiens, pas pour faire de longues distances ou partir en week-end», explique l’élu centriste. Dans la Tribune, l’entourage de la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse complète : «Il y a un problème de coût qu’il faut compenser. La densité des réseaux [franciliens] n’est pas la même». A l’antenne de Sud Radio ce vendredi, Patrice Vergriete a considéré que l’absence de la région francilienne du dispositif est «une question technique, pas politique». «En Île-de-France, le pass Navigo ne fait pas de distinction entre l’abonnement aux trains et au métro, on aurait dû séparer métro et trains dans le passé, ce qui n’était pas possible dès 2024».
Des simples raisons techniques spécifiques à l’Ile-de-France ? Pour l’écologiste Jean-Baptiste Pegeon, l’argument de la structure des transports ne tient pas : «Les TER en Ile-de-France s’appellent transiliens, mais ça ne change rien. Même s’ils gèrent le transit de masse, c’est foncièrement la même chose : un transport régional de longue distance.» Pour l’écologiste, la véritable raison de cette exception est avant tout politique : «Valérie Pécresse était opposée au pass rail, les négociations ont été très dures avec le gouvernement. Il n’y avait aucune raison technique de ne pas l’appliquer à la région», explique-t-il. Le ministre des Transports a néanmoins promis ce mercredi que l’Ile-de-France entrerait dans la danse en 2025.Son entourage précise à Libé que les dispositions techniques à son intégration l’année prochaine seront réfléchies une fois que le bilan du dispositif sera fait, c’est-à-dire «en septembre».
Décryptage
La patronne de l’Ile-de-France et candidate des Républicains à la présidentielle 2022 jugeait déjà au moment de la signature du protocole de financement d’Île-de-France Mobilités, le 26 septembre, qu’un Pass rail à 49 euros serait «radicalement impossible». Elle aura donc été la seule à s’opposer à la participation de sa région au dispositif cet été, contre l’avis des onze autres présidents de région continentaux. Hervé Morin, le patron de la Normandie, le regrette : «Lorsqu’un jeune Normand se rendra en Ile-de-France pendant les Jeux olympiques, il se verra appliquer des tarifs prohibitifs […] avec un pass réseau Ile-de-France à 16€/jour !» Même son de cloche du côté de Xavier Bertrand à la tête des Hauts-de-France.
Les jeunes Franciliens pourront-ils profiter du pass rail cet été ?
Oui, selon l’entourage de Patrice Vergriete. Mais contrairement aux autres jeunes du pays, ils devront, en plus du pass rail, payer leur pass Navigo pour prendre les transports internes à la région (RER et Tranciliens). «La problématique concerne les cas de mobilité à l’intérieur de la région, mais avec le pass rail, pour un train de la gare de l’Est vers Strasbourg ou un train de Lille vers la gare du Nord, ça marche !», affirme-t-on du côté du ministère. L’achat du pass ne serait ainsi pas conditionné au domicile de l’usager, mais seulement à son âge. S’il souhaite se rendre cet été au Havre ou à Lille, un jeune Francilien n’aura donc pas à quitter l’Ile-de-France pour monter ensuite dans un train régional.
Concernant l’année prochaine, Pierre-Jean Baty affirme vouloir porter une proposition au sein du conseil régional d’Ile-de-France – soutenue par les groupes Modem, Renaissance, les écologistes et la gauche – pour permettre de fondre le pass rail et les différents pass Navigo dédiés jeune au sein d’un même dispositif. En 2024, les jeunes devront cumuler le pass rail à 49 euros et les pass Navigo Imagine’R Etudiants et Scolaires (à 365 euros l’année) et Junior (pour les moins de 11 ans à 24 euros l’année) De quoi faire grogner Jean-Baptiste Pegeon. «Cette année, les jeunes Franciliens n’auront ni accès aux JO, ni accès aux transports en général, on leur propose juste d’être bénévoles», peste-t-il.
Mise à jour : le 5 avril à 17h30, avec les déclarations de Patrice Vergriete sur les modalités de vente du pass, les raisons de l’absence de la région Ile-de-France.
Mise à jour : le 11 avril à 18h30, avec les informations sur le pass rail pour les Franciliens.