La Norvège passe un nouveau cap comme pays leader mondial de la transition électrique des véhicules. Selon le Conseil d’information sur le trafic routier (OFV) du pays, le nombre de véhicules tout électriques (hybride exclus) sur les routes de l’Etat scandinave dépasse celui des véhicules à essence de quelques centaines d’unités (754 303 contre 753 905). «C’est historique, a souligné Oyvind Solberg Thorsen, directeur de l’OFV. La Norvège avance rapidement vers l’objectif de devenir le premier pays au monde dont le parc automobile sera dominé par des voitures électriques.» Une première mondiale qui aide à rendre crédible l’objectif très ambitieux que les autorités ont fixé : celui de ne vendre que des voitures neuves zéro émission à compter de l’an prochain. Dix ans avant l’Union européenne, dont la Norvège ne fait pas partie.
Seuls les diesels restent les plus nombreux : sur les 2,8 millions de véhicules individuels en circulation, près d’un million (environ 35 % du total) roulent avec ce carburant, mais leur part de marché recule fortement. «La rapidité que l’on observe dans le renouvellement du parc automobile aujourd’hui pourrait indiquer qu’en 2026 nous aurons également plus de voitures électriques que de voitures diesel», a relevé Thorsen. Un paradoxe, puisque le pays reste un gros producteur de pétrole et de gaz naturel, mais l’électricité représente près de la moitié de la consommation finale du pays (en incluant le carburant et l’électricité), ce qui en fait le leader parmi les pays membres de l’Agence internationale de l’énergie. Surtout, l’hydroélectricité couvre 92 % de sa production.
Les engagements climatiques encore loin d’être atteints
En août, tirées notamment par les Tesla Model Y, les voitures 100% électriques ont représenté 94,3 % des nouvelles immatriculations. Et les comparaisons internationales montrent l’immense avance qu’a prise la Norvège. Selon les données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’électrique ne représentait que 3,2 % du parc automobile mondial (4,1 % en France, 7,6 % en Chine, 18 % en Islande) en 2023, et ces chiffres, contrairement aux données norvégiennes, incluent les véhicules hybrides rechargeables.
Pour aboutir à ce résultat, les autorités norvégiennes ont mis en place depuis longtemps une fiscalité ultra-favorable qui rend les modèles tout électriques compétitifs par rapport aux véhicules thermiques, lourdement taxés, mais aussi hybrides. Certains autres avantages, comme la gratuité des péages urbains et du stationnement sur des parkings publics ou la possibilité d’emprunter les couloirs de circulation collectifs, ont aussi contribué à cette réussite, même s’ils ont été graduellement rognés avec le temps. Le revenu par habitant, nettement plus élevé que la moyenne de l’OCDE, permet aussi de dépasser le principal écueil des voitures électriques, à savoir leur prix.
Le développement des voitures électriques reste malgré tout insuffisant pour que la Norvège tienne ses engagements climatiques, à savoir une réduction d’au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à 1990. En 2023, ses émissions ont baissé de 4,7 % par rapport à l’année précédente, selon des statistiques officielles, mais la diminution par rapport à 1990 n’était encore que de 9,1 %.
Paysage plus sombre dans l’UE
Le climat électrique au beau fixe dans le pays scandinave tranche avec celui, plus nuageux, sur le reste du Vieux Continent. Les ventes de voitures électriques en Europe ont commencé à baisser depuis fin 2023, où elles ne représentent que 12,5 % des ventes de voitures neuves depuis le début de l’année, après plusieurs années de franche progression. Leur part de marché devrait malgré tout fortement augmenter en 2025 pour représenter entre 20 % et 24 % des nouvelles immatriculations, selon une étude du groupe de réflexion Transport & Environment (T & E). Mais certains craignent que l’interdiction des ventes de véhicules neufs roulant au pétrole ou hybrides ne soit remise en cause lors de la clause de revoyure prévue en 2026, même si Ursula von der Leyen l’a pour l’instant écarté.
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Un ralentissement qui a un impact industriel sur le continent. Début septembre, le fabricant suédois Northvolt annonçait vouloir réduire ses activités et supprimer des emplois pour faire face à une situation financière tendue. En raison de retards conséquents, BMW, l’une des principales marques dans l’électrique à travers le monde, avait par exemple renoncé en mai à une commande de 2 milliards d’euros conclue avec Northvolt pour la livraison de batteries. En juin, c’est ACC, une coentreprise de Stellantis, Mercedes et TotalEnergies, qui avait annoncé une «pause» dans la construction de deux usines, à Termoli en Italie et Kaiserslautern en Allemagne, invoquant la nécessité d’une mise à jour technologique des batteries à produire. Les 5,5 millions de Norvégiens ne peuvent pas tout faire.