«Bruit, crissements, effroi, hurlements, puanteur, poussière, sang : ce sont vos mots» : au procès de Brétigny, le procureur a commencé mercredi ses réquisitions, décalées d’un jour, en s’adressant aux nombreuses victimes de la catastrophe ferroviaire de 2013, pour laquelle sont jugés la SNCF, SNCF Réseau et un ancien cadre cheminot. «Deux mois que nous vous écoutons et nous partageons votre douleur», déclare le procureur Rodolphe Juy-Birmann, s’adressant aux plus de 200 parties civiles venues chercher une vérité judiciaire au tribunal correctionnel d’Evry. Il a, au final, requis la peine maximale contre la SNCF.
Cette peine s’élève à 450 000 euros d’amende, du fait de la récidive légale que le procureur a demandé au tribunal de retenir. La SNCF, héritière pénale de SNCF Infra chargée de la maintenance des voies au moment des faits, a «créé le contexte à l’origine de l’accident» par un «échec dans la chaîne de maintenance», a affirmé le procureur, assumant qu’une telle condamnation «jettera l’opprobre et le discrédit» sur l’entreprise publique.
En revanche, le parquet d’Evry a demandé la relaxe pour le gestionnaire des voies, SNCF Réseau, ex-Réseau Ferré de France (RFF), jugé pour homicides involontaires et blessures involontaires, ainsi que pour l’ancien cheminot qui avait réalisé la dernière tournée de surveillance.
Depuis huit semaines, le tribunal s’efforce d’établir les responsabilités dans le déraillement de l’Intercités Paris-Limoges, le 12 juillet 2013, en gare de Brétigny-sur-Orge (Essonne), au sud de Paris. Un drame qui a fait 7 morts et des centaines de blessés. Pour le procureur, une question anime la quête de vérité des victimes, mais aussi des autres usagers, qui «s’interrogent sur le devenir du service public» : «Cette catastrophe était-elle évitable ?» Une question «si simple», à laquelle la SNCF a répondu de manière «technocratique», avec «un discours stéréotypé, froid». Et «une compassion qui vous a souvent semblé feinte», note le procureur, toujours à l’adresse des victimes.
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«Pseudo experts»
Lors du procès, la SNCF a cité des «pseudo experts» qui sont venus défendre avec «tant d’arrogance» la thèse que l’accident n’était pas dû à des défaillances de la maintenance, comme soutenu par l’enquête, mais à un défaut indécelable de l’acier d’un morceau de l’appareil de voie. Indécelable, donc imprévisible, «un simple accident» en somme pour la SNCF, tacle le procureur.
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A la SNCF, «on range au rayon des mauvais souvenirs cet événement anecdotique», s’indigne-t-il, fustigeant la diffusion d’une vidéo, trois jours avant le procès, dans laquelle la direction de l’entreprise appelait ses cheminots «à la réserve». Ce procès est pourtant bien plus que celui d’un «simple accident», estime le procureur. Depuis le 25 avril, se joue un «enjeu majeur pour la SNCF» dans l’enceinte du tribunal et grandit «la crainte» que cette affaire ne révèle que «la SNCF a fait le choix délibéré du rendement face à la sécurité de ses passagers». En procédant à «beaucoup de renoncements dans la maintenance», «c’est toute une conception du service public qui s’est effondrée», affirme le procureur.
Mise à jour à 17 heures 45 : ajout des réquisitions du parquet à l’encontre de SNCF Réseau et de l’ancien cheminot.