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Croisière

Programmé pour un tour du monde de rêve, le paquebot «Odyssey» reste en rade à Belfast

L’«Odyssey» innove en vendant, au lieu de les louer, une partie de ses cabines aux voyageurs. Mais trois mois après le départ prévu d’un voyage censé durer trois ans et demi, il n’a toujours pas quitté l’Irlande du Nord.
L'«Odyssey» à quai dans le port de Belfast, le 30 août. (Peter Morrison/AP)
publié le 8 septembre 2024 à 8h01

Ils rêvaient de rejouer La croisière s’amuse, à la place, ils ont la croisière recluse. Le paquebot Odyssey devait quitter Belfast le 30 mai pour emmener 927 voyageurs dans un tour du monde inédit de trois ans et demi. Mais en raison d’avaries techniques en cascade, le bateau n’a toujours pas bougé d’un mille depuis 100 jours et reste à quai dans la capitale d’Irlande du Nord.

La compagnie Villa Vie Residences avait vendu un concept novateur et séduisant : la «croisière sans fin». Les clients étaient invités à acheter leur cabine, comme ils le feraient d’une résidence secondaire. Les prix de vente vont de 108 000 euros (une cabine sans fenêtre) à 315 000 euros (suite avec balcon), auxquels il faut ajouter des frais mensuels, à partir de 1 100 euros par personne, pour les repas et le ménage. L’accès aux espaces de loisirs et les soins médicaux sont inclus. Une partie des chambres sont cependant louées, comme dans une croisière classique.

Arrivée en décembre 2027

D’après le programme disponible sur le site de Villa Vie Residences, l’Odyssey devait quitter Belfast non pas le 30 mai, date initialement prévue, mais le 30 juillet, une fois les réparations effectuées. Après une halte à Runavik, dans les îles Féroé, le bateau devait transporter son millier d’hôtes (et un équipage de plusieurs centaines de personnes) à travers tous les océans et continents (même l’Antarctique), au fil de 425 escales dans 147 pays, jusqu’à la destination finale, atteinte en principe le 6 décembre 2027 : West Palm Beach, en Floride. En France, les arrêts prévus étaient Marseille, Monaco, Bastia, Bonifacio, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, Wallis et Futuna, Tahiti et la Nouvelle-Calédonie.

Mais les ennuis mécaniques n’ont pas été réglés pour le 30 juillet, ni pour fin août. Malgré tout, la compagnie ne s’avoue pas vaincue et refuse d’annuler l’aventure. Les résidents sont invités à attendre le départ, et peuvent passer leurs journées à bord, en profitant de la piscine, des jacuzzis, des salles de remise en forme, des cinq bars et des trois restaurants. Impossible cependant de dormir sur place, en raison des règlements du port. Chaque soir, les voyageurs immobiles prennent une navette pour rejoindre un hôtel, payé par la compagnie.

D’après un reportage de la BBC, la plupart des résidents prennent leur mal en patience. Certains signalent cependant qu’en trois mois, ils ont épuisé les charmes de la capitale d’Irlande du Nord, après avoir bu des bières dans tous les pubs locaux et mangé dans chacun de ses restaurants. Pour leur permettre de changer d’air, des séjours leur ont été offerts à Reykjavik, Oslo ou Helsinki.

Se libérer des contraintes

L’idée des croisières résidentielles, où les voyageurs sont copropriétaires des cabines, n’est pas nouvelle, mais Villes Vie Residences l’a relancée en 2023 avec l’intention de démocratiser la formule, en passant des yachts pour milliardaires aux paquebots. Selon le site de la télévision britannique, le projet a séduit des couples de retraités, qui ont vu dans la «croisière sans fin» une façon de se libérer des contraintes : plus de loyer à payer (pour ceux qui ont vendu leur maison ou appartement), plus de voiture à entretenir…

Les promoteurs ont énuméré tous les avantages de leur formule : une fois acquise, la cabine peut être prêtée, louée ou revendue ; le télétravail est possible grâce à une liaison internet haut débit ; un client a le droit de zapper une partie de la croisière, s’il en fait la demande sous préavis de trente jours. Et s’il souhaite inviter des amis, il en coûtera 115 euros par jour et par personne. Au bout des trois ans et demi de voyage, le bateau reprend la mer pour un nouveau tour du monde.

D’après The Independent, les soucis techniques concernant les gouvernails et la boîte de vitesse sont compréhensibles si on tient compte de l’âge du bateau. Construit dans les chantiers navals de Valence en Espagne, aujourd’hui disparus, et mis à l’eau en 1993, il a porté les noms successifs de Braemar, Crown Dynasty, Cunard Crown Dynasty, Crown Majesty et Norwegian Dynasty. En février 2024, Villa Vie Residences, propriété de l’homme d’affaires Mikael Petterson et basée à Fort Lauderdale en Floride, en fait l’acquisition.

Mais le paquebot n’avait pas navigué depuis quatre ans, après un épisode très médiatisé lié à la pandémie. Début mars 2020, des passagers étaient testés positifs au Covid-19. Les Bahamas puis l’île de Saint-Martin avaient refusé d’accueillir le bateau, et c’est finalement Cuba qui avait accepté le débarquement des passagers et de l’équipage le 16 mars, puis leur rapatriement par avion vers le Royaume-Uni.

En programmant une croisière au très long cours quelques mois après le rachat de l’Odyssey, la compagnie a sous-estimé l’ampleur de la remise en état des équipements. Mercredi 4 septembre, d’après le site spécialisé Cruise Industry News, l’Odyssey a réalisé un essai de navigation pour tester les nouveaux gouvernails installés fin août. C’est le prélude possible à un véritable départ de la croisière. Ou pas.