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Projet de budget 2026 : pourquoi le prix des biocarburants pourrait s’envoler

La suppression prévue dans le projet de loi de finances de deux niches fiscales dont bénéficient ces carburants, inquiète les associations d’automobilistes et les agriculteurs. Le tarif du litre de bioéthanol pourrait ainsi grimper en quelques années de 40 ou 50 centimes.

Presentation d'un biocarburant a base de betteraves au salon de l'agriculture, à Paris, en février 2025. (Stéphane Ouzounoff/Hans Lucas)
Publié le 15/10/2025 à 18h04

Pour maintenir le déficit public sous les 5 % tout en finançant, entre autres, la suspension de la réforme des retraites, Sébastien Lecornu a prévu dans son projet de budget 2026 un certain nombre de mesures visant à réduire les dépenses ou à augmenter les recettes de l’Etat. Parmi elles, peut-on lire dans l’article 5 du projet de loi de finances (PLF), la suppression de 23 des 474 niches fiscales qui existent en France. A commencer par celles garantissant un tarif particulier aux biocarburants. Ces mesures font déjà grincer des dents les associations d’automobilistes et les agriculteurs.

Que dit le texte ?

En France, peut-on lire dans le PLF, les 474 niches fiscales coûtent en 2025 à l’Etat 85,1 milliards d’euros. Le gouvernement souhaite donc en supprimer 23 qui sont «évaluées comme obsolètes ou inefficaces». Deux mesures concernent les biocarburants : «la suppression du tarif particulier pour le carburant B100 (au bénéfice des tarifs réduits en faveur du secteur des transports routier ou ferroviaire)» et la «réduction progressive de l’avantage fiscal (tarif particulier) pour le carburant E85». Le premier, le B100, est un biogazole à base de colza qui est surtout réservé aux professionnels du ferroviaire et du transport routier. Le second, le E85, est un mélange d’essence et de bioéthanol (fabriqué à partir de betteraves et de céréales) qui se trouve dans de nombreuses stations-service. D’après l’association 40 millions d’automobilistes, plus d’un million de Français l’utiliserait.

Pourquoi ces mesures sont critiquées ?

Si beaucoup de Français sont passés au bioéthanol ces dernières années, c’est que le prix du E85 est dans les stations-service bien inférieur au sans-plomb ou au diesel. D’après le site carbu.com, quand le sans-plomb 95 coûte aujourd’hui environ 1,70 euro au litre et le gazole 1,63, le bioéthanol s’achète à moins de 75 centimes au litre. Un tarif plus qu’avantageux, quand bien même il consommerait environ 25 % de plus que l’essence classique. En cas de suppression du tarif particulier accordé à ces biocarburants, leurs prix risquent de grimper. Pour 40 millions d’automobilistes, le tarif du litre pourrait ainsi grimper en quelques années de 40 ou 50 centimes.

«Une telle mesure pèserait injustement sur les ménages qui ont fait le choix, souvent contraint, de rouler au bioéthanol dans l’espoir de faire des économies. De plus, la hausse du prix de l’E85 risquerait de détourner les automobilistes vers des carburants plus polluants», dénonce dans un communiqué Pierre Chasseray, le délégué général de l’association. Pour Bioéthanol France, syndicat qui regroupe les professionnels du secteur, cette hausse pourrait également par effet de bord faire grimper de «2,3 centimes chaque litre d’essence acheté par les 16 millions d’automobilistes français qui roulent à l’essence».

Un biocarburant… pas vraiment écolo

Si les biocarburants bénéficient d’un tarif particulier, c’est que l’Etat considère qu’en se consumant, ils émettent moins de CO2 et de particules fines que les carburants fonctionnant exclusivement aux énergies fossiles. Problème : selon un rapport publié le 9 octobre par la Fédération européenne pour le transport et l’environnement, ce n’est pas le cas. Les biocarburants seraient même en réalité plus polluants encore que les carburants fossiles si l’on considère qu’ils nécessitent d’importantes surfaces agricoles, ce qui implique de défricher des espaces naturels qui stockent du CO2.

Aujourd’hui, les cultures destinées à être brûlées pour servir de carburant occupent 32 millions d’hectares de terres à l’échelle planétaire, soit l’équivalent de la superficie de l’Italie, alors que les biocarburants ne représentent que 4 % de la demande mondiale.