Le train est de plus en plus plébiscité par les Français : la fréquentation des TER a d’ailleurs augmenté de 54 % entre 2015 et 2023, davantage que l’offre sur ce réseau, qui n’a progressé que de 24 % sur la même période. Mais la qualité du service n’a pas suivi. Une étude de UFC-Que choisir révèle mardi que le taux de fiabilité des TER, qu’il s’agisse de ponctualité ou de circulation effective, n’a atteint que 80,3 % en 2023, deux points de moins que la moyenne des années 2019-2022. Autrement dit, un utilisateur quotidien du TER subit près de 10 annulations ou retard par mois, une moyenne qui cache en outre d’importants écarts selon les régions.
L’association de défense des consommateurs a compilé les données – déjà connues – sur les trains annulés, «déprogrammés» ou en retard de plus de cinq minutes. La différence entre les «annulés» et les «déprogrammés» est ténue : «S’ils sont annulés la veille avant 16 heures, ils ne sont pas considérés comme annulés, mais comme déprogrammés», précise l’UFC-Que choisir, qui dénonce «un secret bien gardé pendant des années» par la SNCF, sur lequel l’Autorité de régulation des transports (ART) a depuis «permis de faire toute la lumière». Or les nombre des trains déprogrammés est conséquent : si en moyenne 9,6 % des TER n’ont pas circulé dans les 11 régions étudiées par l’association de consommateurs, 7,4 points concernent les seules déprogrammations. Selon elle, les deux tiers des trains manquants ou en retard sont de la responsabilité de la SNCF, et non des infrastructures défaillantes ou des aléas météo.
«Les données publiées ne sont pas nouvelles et reprennent des éléments déjà publiés tous les ans en toute transparence par l’ART, autorité publique et indépendante de régulation des transports, réagit de son côté SNCF Voyageurs. Tous les chiffres relatifs à la régularité ou aux annulations des trains régionaux sont publics, région par région comme nationalement.» Mais l’association souhaite aller plus loin, en imposant «une transparence totale sur les données de fiabilité des TER», avec des chiffres complets et les causes des problèmes disponibles mensuellement.
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Les disparités entre les régions sont fortes. En 2023, la Bretagne, les Pays-de-la-Loire et la Bourgogne-Franche-Comté font partie des bons élèves, puisqu’elles sont les seules à dépasser les 84% de trains fiables. De l’autre côté du spectre se trouve l’Occitanie, la Nouvelle-Aquitaine et la Provence-Alpes-Côte-d’Azur, avec moins de 77 % l’an dernier. Concernant la seule ponctualité, la région Paca est également dernière du classement, avec seulement 74,1 % de trains circulant avec moins de cinq minutes de retard. Au sein même des régions, les disparités entre chaque ligne sont encore plus prégnantes. En Bourgogne-Franche-Comté, par exemple, la ligne Belfort-Delle ne cumule que 1,3 % de trains perturbés ou absents quand celle reliant Dijon à Laroche-Migennes culmine à 17,6 % de trains à problème.
L’Etat et les régions dans le viseur
«Les conclusions que tire l’UFC-Que choisir ne sont pas vraiment les bonnes, estime en revanche François Delétraz, président de la Fnaut, qui représentent les usagers des transports. Le véritable problème du TER, c’est le manque d’investissements historique dans le réseau, qui a un impact sur les retards, et le manque d’offre. Or sur ces sujets, c’est moins la faute de la SNCF, qui est visée dans ce document, que celle de l’Etat, pour son manque de moyens, et des régions.» «La SNCF n’est que le prestataire de ces dernières, donc le déficit d’offre est la responsabilité des régions», ajoute François Delétraz, par ailleurs sceptique sur une amélioration drastique du service que pourrait engendrer l’ouverture à la concurrence. UFC-Que choisir appelle en revanche à renforcer les «incitations à la qualité de service définies par la région à destination des exploitants ferroviaires, afin de permettre l’amélioration de la fiabilité des TER et en faire une solution crédible pour les utilisateurs quotidiens», à améliorer les règles d’indemnisation.
La France fait moins bien que ses voisins. Concernant les retards, l’Hexagone (11 % de trains concernés) est à la traîne par rapport à d’autres pays européens comme l’Autriche (4,3 %) ou l’Italie (8 %). Seules la Belgique (11,5 %) et la Suède (14 %) font pire. Reste que malgré les problèmes de fiabilité épinglés par l’association, les Français continuent de plébisciter les TER. Selon la SNCF, ces derniers «ont enregistré plus de 20 % de voyageurs supplémentaires entre 2019 et 2023, et cette tendance se poursuit en 2024 (+ 10 % de trafic cet été par rapport à l’été 2023)». Et l’entreprise ferroviaire d’assurer : «Sur les huit premiers mois de 2024, la qualité de service constatée est également en amélioration par rapport à 2023.» Christophe Fanichet, DG de SNCF voyageur, en commentant les résultats de trafic cet été, s’est réjoui vendredi de cet «appétit de train». Mais pour que l’attrait perdure, la fiabilité devra être encore améliorée.