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Libération
Guerre en Ukraine

Ukraine: le voyage en train de nuit de Macron, Scholz et Draghi raconté par la presse étrangère

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Le chef de l’Etat s’est rendu en train, en compagnie de ses homologues allemand et italien, jusqu’à Kyiv. Un voyage inhabituel devenu, au fil de la nuit, une sorte de mini-sommet européen.
Sur le quai de la gare de Medyka, d'où sont partis les chefs d'Etat italiens, français et allemand mercredi soir. (Ludovic Marin/AFP)
publié le 16 juin 2022 à 15h17
(mis à jour le 16 juin 2022 à 16h21)

Après le retour du train de nuit, celui du Trans-Europe-Express. Et en grande pompe. Ce jeudi, Emmanuel Macron a emprunté le train pour se rendre à Kyiv, en compagnie du chancelier allemand, Olaf Scholz, et du président du Conseil italien, Mario Draghi. Le tableau de ces trois chefs d’Etat attablés dans le salon boisé d’un wagon orné de rideaux pesants marquera sûrement les mémoires. Le dispositif mis en place pour nous offrir cette image également, puisqu’un train spécial a été mis à disposition. L’événement était vraisemblablement en préparation depuis plusieurs semaines. Pourtant, l’Elysée ne l’a confirmé que dans la nuit de mercredi.

Emmanuel Macron, qui se trouvait encore à Chisinau en Moldavie ce mercredi, s’est rendu en Pologne, à Rzeszów dans le sud-est du pays, avec son avion présidentiel. Il a ensuite pris la direction de Przemysl à quelques kilomètres de la frontière ukrainienne où devait l’attendre un train affrété par la compagnie des chemins fer ukrainienne, l’Ukrzaliznytsia. Mais La Stampa relève qu’en raison d’un problème électrique, le départ a été délocalisé. Direction la petite gare déserte de Medyka, limitrophe de l’Ukraine, où cette fois un train bleu et jaune attend bien le Président et les diplomates qui l’accompagnent.

Dix heures de trajet

Emmanuel Macron est arrivé une demi-heure après Olaf Scholz, mais a ramené davantage pour dîner. Bild compare ainsi les «grandes boîtes» remplies de nourriture et de boisson apportées par la délégation française au simple «coffret de tablettes de chocolat» dont prévoyait de se contenter celle du chancelier allemand. Pour un trajet de près de dix heures, c’est relativement peu en effet… Mario Draghi arrive, lui, avec près d’une heure de retard. Sur le quai, du personnel de bord attend chacune des délégations avec des petits panneaux aux couleurs de la France, de l’Allemagne et de l’Italie. A bord, des policiers et des gardes armés jusqu’aux dents rappellent qu’il s’agit de se rendre dans un pays en guerre.

A 23 h 48, le convoi est au complet et démarre. A peine quelques kilomètres ont été parcourus que le train s’arrête. Contrôle des passeports. Plusieurs soldats ukrainiens montent à bord, sans se douter que trois chefs d’Etat s’y trouvent et s’apprêtent à rendre visite au président Volodymyr Zelensky. Ils ne parlent pas anglais. Un membre des forces spéciales italiennes s’évertue à leur expliquer la situation. Avant qu’un autre ne lance un «Slava Ukraini» («gloire à l’Ukraine !») raconte un journaliste de La Stampa. Le soldat répond par un signe de tête, avec un sourire empreint de gratitude et de fierté.

En parallèle, dans un autre wagon, se déroule un mini-sommet européen. Les trois dirigeants se sont réunis vers 1 heure du matin dans la voiture d’Emmanuel Macron. La Reppublica remarque les «cernes» des agents de sécurité à bord. Ainsi que le style vestimentaire des chefs d’Etat, qui ne ressemble en rien à l’apparat de mise lors des vraies réunions du Conseil européen. Le président français porte une chemise blanche à col Mao. Mario Draghi a revêtu un chandail pour braver le froid répandu par la climatisation. Quant à Olaf Scholz, il porte un jean et une chemisette noire, «qui n’est plus à la mode» ne peut s’empêcher de noter le journal italien. La réunion a duré jusque tard dans la nuit, jusque près de 3 heures du matin. L’Elysée raconte que, pour tenir, les trois ont trinqué… au jus d’orange.

Sorte de voyage initiatique

Emmanuel Macron est finalement parti se coucher. Courte nuit de sommeil pour lui puisque le train arrive en gare de Kyiv vers 9 heures, heure locale. Contrairement au chancelier allemand qui a gardé son accoutrement, le président français a enfilé son costume-cravate. «J’aimerais envoyer un message de soutien et d’unité européenne aux Ukrainiens et Ukrainiennes», déclare-t-il aux caméras qui l’attendent à sa sortie du train.

Notons la rareté d’une telle image, celle d’un chef de l’Etat sur le quai d’une gare. Ce trajet en train a constitué une sorte de voyage initiatique pour Emmanuel Macron. Car comme le relève Cécile Duflot sur Twitter, en France, le Président ne peut pas prendre le train pour des «raisons de sécurité». Cela nécessite effectivement de surveiller tous les ponts et ouvrages d’art ferroviaires situés sur la route. De quoi mettre les services de sécurité sur les dents. François Hollande qui se voulait être un «président normal» l’a fait une fois en 2012 pour se rendre à Bruxelles. Cela ne s’est jamais reproduit depuis.