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Mobilisation

Un rassemblement sous haute surveillance ce samedi contre la future ligne à grande vitesse entre Bordeaux, Toulouse et Dax

Plusieurs milliers d’opposants au projet sont annoncés en Gironde ce samedi 12 octobre pour protester contre un chantier «pharaonique», lancé au printemps et évalué à une quinzaine de milliards d’euros. La manifestation, qui n’a pas été déclarée en préfecture, a été interdite par les autorités.
Manifestation contre le projet LGV entre Bordeaux, Toulouse et Dax, près de Bordeaux, le 3 juin 2023. (Thibaud Moritz/AFP)
publié le 12 octobre 2024 à 7h30

Faire du bruit avant qu’il ne soit trop tard. Après des mobilisations rassemblant quelques centaines de personnes ces dernières années, les collectifs d’opposants locaux ont fait appel au mouvement écologiste radical des Soulèvements de la Terre pour «sortir des radars au niveau national». «C’est une lutte qui a au moins 30 ans… Désormais, on attend une image forte», explique à l’AFP Pauline Dupouy, militante historique du collectif «LGV NiNa» (pour «Ni ici Ni ailleurs»).

Selon des arrêtés préfectoraux pris en amont de la mobilisation, pour interdire notamment le transport d’armes, environ 3 000 personnes, «dont 10 % d’individus considérés comme très violents», sont attendues ce week-end des 12 et 13 octobre à Lerm-et-Musset, à 70 kilomètres au sud de Bordeaux. C’est là, aux confins de la forêt landaise, que doit avoir lieu une manifestation aux contours encore flous, présentée comme une série de «jeux» par les organisateurs.

Jeudi soir, la préfecture de la Gironde a émis un nouvel arrêté interdisant entre vendredi et lundi «toute manifestation, attroupement ou rassemblement revendicatif» à Bordeaux et dans cinq autres communes environnantes, situées à plusieurs dizaines de kilomètres des lieux de la manifestation. Contactée par Libération, la préfecture confirme l’interdiction de tout rassemblement, y compris à Lerm-et-Musset, la manifestation n’ayant fait l’objet d’aucune déclaration préalable.

Paris-Toulouse en 3 h 10

La future ligne à grande vitesse (LGV), un projet dans les cartons depuis les années 80 et relancé en 2021, prévoit le prolongement de la LGV Paris-Bordeaux sur deux tronçons, Toulouse et Dax. Le trajet entre Bordeaux et Dax serait raccourci de vingt-deux minutes et celui entre Bordeaux et Toulouse d’une heure. Le Paris-Toulouse serait ainsi ramené en 2032 à trois heures et dix minutes, soit une heure de moins qu’actuellement.

L’embranchement traversant en diagonale la forêt des Landes vers Dax, établirait par ailleurs la première phase «d’un grand corridor européen atlantique» pour permettre, plus tard, la création de liaisons directes à grande vitesse avec l’Espagne et le Portugal. Le chantier, lancé en mai au nord de Toulouse, doit coûter a minima 14,3 milliards d’euros, financés par l’Etat, les collectivités locales et l’Union européenne.

«Un investissement pour un siècle au moins», justifie le président de la région Nouvelle-Aquitaine Alain Rousset (PS). Il parie sur l’ouvrage pour «améliorer les trains du quotidien» – TER et futurs RER dans les métropoles – en doublant les voies, «décongestionner nos routes envahies de camions» en libérant des créneaux pour le fret, et «désenclaver» le territoire en créant de nouvelles gares. Pour le maire de Mont-de-Marsan, Charles Dayot (centre-droit), la nouvelle ligne «ouvrirait le champ des possibles», notamment pour les jeunes, en mettant fin à une situation «recroquevillée» de cul-de-sac ferroviaire de la préfecture landaise.

Un projet «fait pour les métropoles et l’ego des grands élus»

Mais «un train qui passe à 320 km/h, ça ne désenclave pas», coupe Jacqueline Lartigue, maire de Bernos-Beaulac (1 200 habitants), village au cœur de la future jonction en «Y» qui reliera Bordeaux, Toulouse et l’Espagne. Elle dénonce «un projet pharaonique», «fait pour les métropoles et l’ego des grands élus». L’édile, à la tête d’un collectif d’élus locaux dont «la colère vient de loin», plaide, tout comme le maire écologiste de Bordeaux Pierre Hurmic, pour «une rénovation des lignes existantes» et soutient une lutte par «des canaux légaux», citant les initiatives transpartisanes récentes de parlementaires girondins.

Quatre d’entre eux (deux insoumis, un écologiste et un Modem) ont réclamé au Premier ministre la tenue d’un référendum local sur le projet, et huit (de LFI à LR) ont dénoncé «un déni de démocratie» après la validation par l’Etat de la commission d’enquête publique sur la partie bordelaise du projet. Celle-ci a rendu un avis favorable qui va à l’encontre, selon ces parlementaires, de la grande majorité des contributions exprimées. Si la LGV est largement soutenue en Occitanie, une poignée de collectivités de Nouvelle-Aquitaine ont renoncé à la financer ou voté une contribution plus faible qu’attendu.

En plus des mouvements écologistes ou citoyens, les sylviculteurs du Sud-Ouest, les viticulteurs du Sauternais et des chasseurs ont exprimé leurs vives inquiétudes vis-à-vis d’un chantier qui vient «clôturer la forêt» et «mettre à mal les écosystèmes», sans toutefois appeler à manifester. Les élus opposants de longue date, contactés par l’AFP, affirment de leur côté ne pas avoir été conviés à cette «première» mobilisation anti-LGV des Soulèvements de la Terre. Un rassemblement, à l’initiative des collectifs locaux, est également programmé fin mars.