Comme un retour à la vie d’avant pour la candidate PS malheureuse à la présidentielle. Dans les salons de l’ancienne mairie du IVe arrondissement, devenue l’Académie du Climat, Anne Hidalgo a annoncé ce mercredi vouloir faire évoluer le périphérique d’une «ceinture grise» à une «ceinture verte» de la capitale d’ici à 2030. Vaste chantier pour l’une des routes les plus empruntées d’Europe.
Même s’il n’y a pas de révélations fracassantes, la maire de Paris promet une transformation qui sera très concrète, déjà en discussion depuis plusieurs années : la réduction de la circulation à deux fois trois voies, contre quatre sur nombre de tronçons aujourd’hui. A cet égard, les Jeux olympiques pourraient faire figure de transition, l’idée étant que la «voie olympique», qui sera réservée pendant la compétition aux participants (athlètes, officiels, secours), soit ensuite réservée aux bus, taxis et covoiturage. «Une préfiguration de ce qui pourrait être pérennisé», a poursuivi Anne Hidalgo. Ce qu’a confirmé son adjoint (EE-LV) aux mobilités, David Belliard, un aménagement qui devrait entraîner selon lui la disparition de 80 000 véhicules de la circulation.
Sont également au programme la végétalisation de 10 hectares de ce ruban de bitume, des voies latérales au périph ainsi que la plantation de 70 000 arbres en 2030 et 45 000 dès 2024, alors que 18 000 ont déjà été plantés depuis 2020, a précisé Christophe Najdovski, en charge de la végétalisation de l’espace public et des espaces verts. Les transformations actuelles et futures des portes doivent elles aussi participer de ce changement annoncé.
Tous ces éléments ont été reliés par la maire et ses adjoints aux autres infrastructures prévues ou réalisées, comme le parc des Rives de Seine, les pistes cyclables, les «rues aux écoles» (interdites aux voitures) ou encore la débitumisation de certains boulevards. Et en filigrane, la lutte contre le réchauffement climatique, ce qui justifie d’ailleurs aux yeux de la mairie une invitation à l’Académie du climat pour parler du périph. Une barrière à faire tomber donc, mais surtout une manière d’accélérer sur les préconisations du Giec. «Il va falloir qu’on mette les bouchées doubles» pour respecter les exhortations des scientifiques, reconnaît la maire, qui parle à l’envi de planification écologique, un concept popularisé par Jean-Luc Mélenchon mais repris ces derniers mois par plusieurs candidats.
Ne pas transformer les autoroutes en «nouveau périph»
Parmi les principaux arguments avancés pour aller au bout de cette transformation, la santé des quelque 500 000 habitants qui vivent de part et d’autre du boulevard. Logés à 40 % dans des logements sociaux, 90 % sont surexposés au bruit et 130 000 à la pollution de l’air. La maire de Paris a promis que ce projet s’inscrivait donc dans une volonté de créer un «cadre de vie plus harmonieux, plus agréable». Pourtant préconisée dans un rapport rendu public en 2019, la réduction de la vitesse de 70 km/h à 50 km/h a en revanche été balayée plusieurs fois par l’exécutif parisien, Anne Hidalgo et David Belliard expliquant tour à tour que «ce n’est pas le sujet». «Il faut inverser la logique : on fait d’abord la transformation et on verra ensuite pour la vitesse», a ensuite précisé Emmanuel Grégoire, le premier adjoint à la ville de Paris, craignant que de prendre frontalement ce sujet hypersensible ne braque les opposants.
Pour mener à bien ce projet, Anne Hidalgo, dont le premier mandat municipal avait été marqué par un long combat politico-judiciaire pour transformer en promenade piétonne les voies sur berges de la rive droite, entend mener «toutes les concertations légales» et promet «d’écouter» les automobilistes, les associations des usagers de transports en commun et de vélo, mais aussi les «routiers, les commerçants et les taxis». A plusieurs reprises, l’exécutif parisien a semblé vouloir déminer certains conflits. Sur les embouteillages, Anne Hidalgo a reconnu qu’ils pouvaient exaspérer des automobilistes et qu’il ne fallait pas que la réduction des voies sur le périph n’entraînent une congestion de l’A86 ou l’A1, deux axes routiers majeurs de la métropole. Mais pour David Belliard, les embouteillages, «c’est une question périphérique, sans mauvais jeu de mots». Une fois encore, il est revenu au premier adjoint d’arrondir les angles, se disant soucieux que «le projet de périph ne transforme l’A86 en nouveau périph». Il compte par ailleurs sur l’entrée en service du Grand Paris Express, le super métro en rocade autour de Paris, à partir de 2024, pour réduire le trafic de transit sur le périphérique, qui représente 40% de la circulation totale.
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Et pour éviter les procès en jacobinisme parisien, les élus de la capitale partageaient la scène avec d’autres, de banlieue et de la métropole du Grand Paris, tout autant concernés par cette voie, aujourd’hui aussi indispensable que source de nuisances. Les maires de Gentilly, Saint-Ouen, Vanves ou encore Montreuil ont pu exposer leurs projets urbains, menés en parallèle à ceux de la ville centre. Le maire PCF d’Ivry-sur-Seine, Philippe Bouyssou, est par exemple revenu sur le quartier Bruneseau qui commence petit à petit à prendre forme, avec les tours Duo qui sont sorties de terre, d’autres en train de grimper et une couture entre le XIIIe arrondissement et Ivry en dessous du «belvédère», s’est-il amusé, qui tarde à se matérialiser.
La préfecture déjà sur le qui-vive
Anne Hidalgo est en réalité prise en tenaille entre la droite, soutenue par les lobbys automobilistes, qui refuse tout changement d’ampleur, et ses alliés verts qui poussent à la surenchère dans l’autre sens. Récemment, une mobilisation partie de Twitter, et relayée par ces derniers, a ainsi eu raison du projet de la mairie d’installer une bagagerie au pieds de la tour Eiffel. Si le projet de réaménagement du périph semble faire consensus à gauche, pour la présidente de droite de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, c’est un casus belli : elle avait d’ailleurs en 2021 demandé à l’Etat de requalifier cette infrastructure municipale pour qu’elle soit traitée comme une infrastructure régionale et réclamé «des études d’impact» avant que la mairie ne lance ses projets. Sur le périphérique, 40 % de trajets sont de banlieue à banlieue et 80 % des usagers sont non-parisiens, faisait alors valoir la région. Ce mercredi soir, elle a d’ailleurs de nouveau porté la polémique sur le plan juridique après les annonces de sa rivale parisienne faites plus tôt dans la journée : «Suppression d’une voie sur le périphérique : la région Ile-de-France va saisir la commission nationale du débat public du projet de la mairie de Paris. Une vraie concertation, une vraie étude d’impact sont nécessaires. Pas question de transformer la région en embouteillage géant !»
Le torchon brûle également avec la préfecture de police de Paris, qui a une nouvelle fois reproché à la mairie sa politique du fait accompli, alors que le périphérique est une compétence partagée, dans une communication au Parisien ce mercredi. Emmanuel Grégoire a fustigé une «méthode de travail inacceptable de la part d’un préfet». «On n’est pas des pirates : rien de ce qui sera décidé ne le sera sans l’aval de la préfecture», s’est-il offusqué. Depuis février, la «PP» a déjà fait connaître à quatre reprises son mécontentement au sujet de projets susceptibles de modifier la circulation dans la capitale : sur la Zone à trafic limité (ZTL), la tour Eiffel, les Champs-Elysées et maintenant le périphérique. «C’est une bataille politique», juge une proche de l’exécutif parisien, pour qui l’Etat n’est pas neutre en la matière.
Une «bataille» qui pourrait s’apaiser, la nomination du nouveau gouvernement étant l’occasion de repartir sur de nouvelles bases. En signe de bonne volonté, la maire de Paris a adressé ce mercredi un courrier à la Première ministre Elisabeth Borne demandant à la rencontrer pour lui présenter sa vision de la transition écologique à Paris. Directrice générale de l’urbanisme dans la ville de 2008 à 2013, patronne de la RATP par la suite, Borne a travaillé sur plusieurs dossiers avec Hidalgo. «Tous mes vœux de réussite t’accompagnent pour inscrire résolument notre pays sur le chemin de la transition écologique, a écrit l’édile à la nouvelle cheffe du gouvernement, dans ce courrier transmis à Libération. Je me tiens à ta disposition pour te présenter les grandes orientations que je porte avec mon équipe et qui permettront à notre pays de tenir les objectifs de l’Accord de Paris.» Et dont la transformation du périphérique fait partie.