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«Un pays endetté est un pays paralysé» : Pierre Moscovici avertit le prochain gouvernement sur la situation des finances publiques

Dans une interview aux «Echos», le premier président de la Cour des comptes a fait part de son inquiétude et avertit le prochain gouvernement sur le nécessaire désendettement du pays.
Le président de la Cour des comptes française Pierre Moscovici lors de la 33e journée du livre politique à l'Assemblée, à Paris le 27 avril. (Raphael Lafargue/Abaca)
par Noa Jacquet
publié le 15 juillet 2024 à 15h14

Le rapport a des allures de réquisitoire. A l’occasion de la publication du rapport annuel de la Cour des comptes, son premier président, et ancien ministre socialiste de l’Economie et des Finances sous François Hollande, Pierre Moscovici, est revenu dans les Echos et à l’antenne de France Inter ce lundi 15 juillet sur l’état préoccupant des finances publiques. Il a notamment mis l’accent sur le dérapage de l’année 2023 et la nécessité pour le futur gouvernement «d’améliorer la situation de nos finances publiques», un impératif qui doit être «partagé» par l’ensemble des forces politiques.

Pour rappel, la France est aujourd’hui sous le coup de l’ouverture d’une procédure pour déficit public par l’Union européenne : celui-ci s’élève à 5,5% du PIB et ne devrait revenir aux 3% préconisés par la Commission européenne qu’en 2027, au plus tôt.

«Ni satisfaisant ni acceptable»

Aussi, alors que l’actuel ministre s’autocongratulait de son bilan dans une tribune publiée dans le Figaro la semaine dernière, Pierre Moscovici remet les pendules à l’heure : après la fin du choc inflationniste «nous sommes les seuls à n’avoir conduit aucun effort de désendettement» a regretté Pierre Moscovici. Un échec que le président de la Cour des comptes explique par plusieurs facteurs : «Les recettes ont été plus faibles que prévu, les baisses discrétionnaires d’impôts et de cotisations ont représenté une charge de 10,7 milliards d’euros, et – à nouveau – aucune mesure d’économie structurelle n’a été prise.»

Le premier président regrette par ailleurs la situation inédite de la France en Europe : «Cette situation française contraste avec celle de nos partenaires européens, qui ont commencé à réduire leurs déficits et leurs dettes. Ce n’est ni satisfaisant ni acceptable.» La France affiche aujourd’hui le deuxième déficit de la zone euro derrière l’Italie, et reste le troisième pays le plus endetté – après la Grèce et l’Italie. Fin mars, la dette de la France a atteint 3 160 milliards d’euros, soit 111% du PIB.

Et malgré l’incertitude ouverte par les élections législatives sur la trajectoire des prochains dirigeants, «quelle que soit l’option retenue», le futur gouvernement «devra d’ailleurs adopter sa propre stratégie pluriannuelle de finances publiques […] Il faudra cependant que la nouvelle trajectoire retenue soit cohérente et crédible». Loin de se prononcer sur l’option préférable – il existe plusieurs chemins pour y parvenir – Pierre Moscovici a invité toutes les forces politiques à prendre en charge la question : «Réduire notre dette est une ardente obligation. Ce n’est ni de gauche ni de droite : c’est d’intérêt général ! […] Un pays endetté est un pays paralysé.» Tout en fustigeant la politique d’austérité, qui «appauvrit, […] dessèche et crée des révoltes», a-t-il précisé ce lundi matin sur France Inter.

«Nous avons deux dettes»

Réduire la dette est une obligation, selon l’ancien ministre, pour se concentrer, entre autres, sur la transition énergétique et pour surmonter l’enjeu climatique : «Si le remboursement de la dette absorbe toute marge de manœuvre, il sera impossible d’investir dans l’avenir, en particulier pour la transition écologique.»

La contrainte climatique fait également partie des facteurs à prendre en compte dans l’évolution de la situation, puisque celle-ci «pourrait pousser à la hausse notre dette publique de 5 à 7 points de PIB», a rappelé Pierre Moscovici. «Nous avons deux dettes, une dette ­financière et une dette climatique […], la prochaine trajectoire budgétaire doit impérativement intégrer les impacts du réchauffement climatique, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.»