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Offensive

Veolia dégaine une offre d’achat sur Suez

Le numéro un français de l’eau et du traitement des déchets, qui possède déjà 29,9% de son concurrent, se positionne maintenant pour en racheter la totalité. Mais Suez ne l’entend pas ainsi et a déjà suscité une contre-offre venue du fonds d’investissement Ardian.
Des salariés de Suez devant le siège d'Engie, à La Défense le 22 septembre. (Charles Platiau/Reuters)
publié le 8 février 2021 à 8h16
Mise à jour du 8 février à 8h20. Le tribunal de commerce de Nanterre, saisi dimanche soir par Suez, a ordonné à Veolia de suspendre le lancement de toute OPA contre son concurrent, dans l’attente d’un débat au fond sur ses précédents engagements d’amicalité.

Le PDG de Veolia, Antoine Frérot, ne doit pas être un adepte du film du dimanche soir à la télévision. C’est la deuxième fois qu’il choisit l’ultime fin de semaine pour annoncer sa volonté de racheter son principal concurrent : Suez, 18 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 90 000 salariés et numéro deux français de la distribution d’eau et du traitement des déchets. Cette fois, l’opération est passée à la vitesse nettement supérieure. Veolia, 27 milliards d’euros de chiffre d’affaires, déjà propriétaire de 29,9 % de Suez depuis le mois d’octobre, lance officiellement une offre publique d’achat (OPA) sur l’ensemble du capital, au prix de 18 euros par action. L’action Suez était cotée 17,26 euros vendredi. Le numéro un français de l’eau est donc prêt à mettre 7,9 milliards d’euros sur la table pour prendre le contrôle de son principal concurrent. Aux actionnaires de Suez de se prononcer en faveur ou non de cette offre.

L’affaire est cependant loin d’être pliée. Depuis plus de six mois, Veolia clame sa volonté de racheter Suez, lequel crie à qui veut l’entendre son opposition à une telle opération de nature à effacer son identité, son histoire séculaire et… quelques milliers d’emplois. Dans un premier temps Veolia a affirmé que cette OPA se ferait de manière «amicale» c’est-à-dire avec l’acceptation du conseil d’administration de Suez. Or, celui-ci a non seulement refusé de donner son accord à un tel rachat, mais s’est démené pour trouver un «chevalier blanc» enclin à faire une contre-offre. Le 18 janvier, le fonds d’investissement français Ardian associé à un de ses homologues américains GIP est entré dans la danse en se positionnant comme un éventuel acquéreur de Suez. Cela explique sans doute que Veolia, soucieux de ne pas se faire doubler, soit devenu plus offensif et en oublie la notion amicale de son offre d’achat. Son PDG, Antoine Frérot, a rencontré le directeur général de Suez, Bertrand Camus, vendredi, mais visiblement la discussion n’a pas été fructueuse puisque 48 heures et un conseil d’administration plus tard, Veolia a lancé son OPA.

Démantèlement

Pour l’heure, Suez a choisi de se défendre sur le terrain du droit en considérant cette OPA comme illégale puisqu’elle abandonne le principe «d’amicalité» qui supposait un accord de son conseil d’administration. Il est probable que les représentants des salariés de Suez seront sur la même tonalité. Vendredi, après avoir reçu le PDG de Veolia, l’intersyndicale a qualifié son projet de rachat de «démantèlement» avant de conclure «non à l’OPA».

Tous les yeux vont maintenant se tourner vers le fonds d’investissement Ardian. Voudra-t-il renchérir et proposer un prix supérieur aux 18 euros par action proposé par Veolia ? Une telle stratégie risque d’être difficile à mettre en œuvre. Ardian et son associé GIP sont des fonds d’investissement qui seront contraints d’emprunter massivement pour financer leur offre. Or, plus la charge de la dette sera importante, moins grand sera le profit quand Ardian décidera de revendre Suez, comme l’impose la logique des fonds d’investissements, dont le métier est d’acheter des entreprises et de les revendre cinq à sept ans plus tard avec une plus-value. Selon Veolia, le conseil d’administration de Suez a maintenant un mois pour émettre un avis sur l’OPA dont il fait l’objet.