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Interview

Une sociologue française et une chercheuse américaine: deux analyses divergentes. Justine Cassell, chercheuse au Medialab (MIT) à Cambridge. «C'est dramatique que les filles n'aiment pas les jeux vidéo.»

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publié le 16 avril 1999 à 0h47

Cambridge (Massachusetts), envoyée spéciale.

Justine Cassell travaille sur le langage et les jeux informatiques au Medialab du MIT (Massachusetts Institute of Technology, à Cambridge). Elle est coauteur de From Barbie to Mortal Kombat, un livre qui étudie les différences entre les sexes par rapport aux jeux vidéo.

Quand les différences vis-à-vis de l'ordinateur apparaissent-elles?

Très tôt, en fait. Lorsqu'on demande à des enfants de 4 ou 5 ans de distribuer des jouets à une fille et à un garçon, on observe que tous ­ garçons comme filles ­ donnent l'ordinateur au petit garçon.

Y a-t-il des explications psychosociologiques à cette situation?

Certains ont avancé des hypothèses biologiques, dont une seule, pour moi, tient la route. On sait que les garçons ont de meilleures aptitudes «spatiales». Or, l'écran demande une certaine coordination spatiale. Mais je pense que cet état de fait est surtout lié à l'éducation au sens large. Dès la naissance, filles et garçons sont traités différemment. On ne porte pas de la même manière un bébé fille et un bébé garçon, on offre aux petits garçons des jouets durs, pas aux petites filles. Et on fait des filles le réceptacle de l'histoire et de la communication dans la famille. On leur demande: «Dis-moi, qu'est-ce qu'on a fait l'été dernier?» C'est à elles, pas aux garçons, qu'on confie la responsabilité des rapports sociaux.

Plus tard, lorsqu'une fille grimpe sur une chaise, on lui dit: «Tu vas te faire mal.» A un garçon, c'est plutôt: «Tu vas