Patrice Flichy est professeur de sociologie à l'université de Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne) et directeur de la revue Réseaux. Dans l'Imaginaire d'Internet, qui vient de paraître aux éditions La Découverte, il explore le rôle des utopies et des idéologies dans le développement du réseau.
Quel rôle a eu l'imaginaire dans le phénomène Internet?
Il est au centre de la conception et des usages du réseau. Depuis une vingtaine d'années, on tient des discours assez voisins sur le Minitel, le câble ou aujourd'hui l'Internet. A l'origine, je voulais explorer ces redondances. Mais un séjour effectué en 1998 à l'université de Stanford a réorienté ce projet. J'ai découvert que pour une partie de la société californienne, il était évident que l'avènement d'un monde numérique était imminent, alors que chez nous, l'Internet n'était l'objet que d'un embryon de débat. Cela m'a amené à me concentrer sur cet imaginaire, ou plutôt ces imaginaires, en prenant pour fil directeur la revue Wired, très influente sur ces sujets, où l'on trouve les discours forgés par les créateurs de l'Internet, et ceux d'un certain nombre d'intellectuels, des futurologues et prospectivistes.
De quoi était fait ce débat?
Les discours californiens de l'époque, souvent issus de la contre-culture, décrivent une société dans toutes ses composantes: identité, rapport au corps, vie communautaire, économie, politique. Dans tous ces registres sont apparus des discours nouveaux, on a même parlé de «nouvelle économie». C'est l'u