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Libération

Milgram, une réputation taillée sur 300 cobayes

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Le père de la théorie des «six degrees» avait travaillé sur un échantillon réduit.
publié le 31 janvier 2002 à 21h52

Quel rapport entre Alain Delon et le réalisateur taïwanais Hou Hsiao-hsien? Aucun a priori, hormis que les deux hommes travaillent dans le cinéma. Or un lien existe: «Hou» a fait l'acteur avec Tsai Chin dans Taipei Story d'Edward Yang. Tsai Chin a eu un tout petit rôle dans le Blow up d'Antonioni, où jouait Jane Birkin. Et Birkin apparaît avec Delon dans les Cent et Une Nuits d'Agnès Varda. CQFD.

C'est grâce au programme Oracle de l'université de Virginie (1) que l'on parvient à retracer ce genre de chaînes improbables. Car ce logiciel se fait fort de relier tout professionnel du cinéma avec n'importe quel autre. Jeanne Balibar avec Stan Laurel, ou John Ford avec Miou-Miou. Illustration spectaculaire (bien que circonscrite à un milieu donné) du «Small World Effect», que le sociologue américain Stanley Milgram fut le premier à étudier, dans les années 60.

Ce chercheur avait envoyé 300 lettres à des gens tirés au hasard, avec pour mission de les faire parvenir à un habitant déterminé de Boston. Mais attention, pas question de lui écrire directement. Les 300 cobayes devaient faire suivre le courrier à un de leur ami ou connaissance a priori plus «proche» du Bostonien. Puis les destinataires devaient retransmettre le courrier à d'autres connaissances, et ainsi de suite. Finalement 60 de ces chaînes atteignirent leur but. Et Milgram fut surpris de constater qu'en moyenne, le nombre de maillons de ces chaînes était de six. Seulement six!

Ainsi naquit le principe des «six degrés de sé