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Libération
Interview

«Sur l'internet, l'individu peut s'essayer à différentes formes de soi»

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Tribune. Francis Jauréguiberry, sociologue, s'intéresse à la tendance exhibitionniste sur le Web:
publié le 27 mai 2006 à 21h21
(mis à jour le 27 mai 2006 à 21h21)

Le Net, cet incontinent inconnu ? Depuis que chacun peut se mettre en ligne tout nu (journal intime, photos, éditoriaux perso, ébats filmés en DV ou derniers hits maison), c'est toute une mise en scène publique de soi qui est bouleversée. Analyse avec Francis Jauréguiberry, sociologue, professeur à l'université de Pau, auteur notamment d'Internet, nouvel espace citoyen ? (codirigé avec Serge Proulx, L'Harmattan, 2003).

Pourquoi cette propension à s'exhiber ?

Je lis ces conduites comme de parfaits révélateurs d'un vide social que rien ne parvient, pour l'heure, à combler. Comme le signe d'un immense besoin de reconnaissance. Jusqu'à peu, les normes sociales disciplinaient l'individu et le portaient à accepter sa condition. Cela produisait de la conformité ou, au contraire, de la révolte. Mais l'ensemble avait le mérite de fixer des repères identitaires. Aujourd'hui, elles assignent ce même individu à devenir «lui-même», sans autre référence que sa propre volonté. Mais être soi est terriblement difficile. Le blog participe des tentatives individuelles de combler ce vide social. Il est une façon de se constituer un personnage, c'est-à-dire une face sociale qui soit valorisante ou, plus simplement, vivable. Je blogue, donc je suis. «Etre» et être reconnu par des inconnus pour être connu, y compris de soi dans une société où le lien social s'effiloche : voilà une grande partie de l'explication de ce succès.

Mais comment expliquer que tout ce qui était canton