New York correspondance
Contrairement à ses habitudes brutales, Rupert Murdoch a fait les choses délicatement. C'est par une lettre bien tournée qu'il a proposé à la famille Bancroft de lui racheter son plus beau trophée, le Wall Street Journal, et, pour joindre le geste à la plume, il a offert 5 milliards de dollars en cash, soit 60 dollars par action, alors que le cours moyen plafonne à 35 dollars depuis deux ans. Le magnat des médias a su choisir son moment : le Wall Street Journal a beau jouir d'une immense réputation et du second tirage aux Etats-Unis, il n'est que marginalement rentable, et son cours boursier a perdu plus de la moitié de sa valeur en dix ans. De plus, comme les autres grands quotidiens américains détenus par de riches familles qui croient en cette vieille idée du «service public de l'information» (les Sulzberger pour le New York Times, les Graham pour le Washington Post), les Bancroft subissent les assauts répétés des fonds d'investissement qui voudraient dynamiter leurs droits de vote préférentiels et vendre ces institutions au plus offrant et au plus vite. Du coup, l'offre de Murdoch, qui, derrière sa réputation sulfureuse, reste un baron de la presse à l'ancienne, paraît plus alléchante que d'autres. Néanmoins, dès l'offre du patron de News Corp révélée, un émissaire de la famille Bancroft a fait savoir que la majorité de ses membres ne souhaitait pas vendre. Comme l'avait confié un jour un de ses représentants au journali