L'expérience de Milgram fut réalisée entre 1960 et 1963 aux Etats-Unis. En 1960, Adolf Eichmann est capturé par Israël, il est pendu en 1962 et l'année suivante, la philosophe américaine Hannah Arendt publie son compte rendu du procès, sous-titré Rapport sur la banalité du mal , écrit pour le New Yorker . Lorsqu'en 1974, Stanley Milgram tire le bilan de son expérience dans son livre Soumission à l'autorité , il se réfère fréquemment au procès Eichmann et la thèse d'Hannah Arendt. Si l'expérience Milgram fut un test de psychosociologie au retentissement exceptionnel, elle a été également une façon, pour la conscience occidentale après Auschwitz, de se demander comment des hommes ordinaires avaient pu commettre de tels crimes.
Dans Panique morale (1), le philosophe français Ruwen Ogien a examiné les réponses apportées par deux historiens de la Shoah. Le premier, Christopher Browning, auteur de Des hommes ordinaires, paru en 1992, fait référence à l'expérience de Milgram et, analysant le profil psychologique d'un bataillon de policiers nazis, en conclut qu'ils avaient des croyances ordinaires et que le mal naîtrait de la soumission à l'autorité et du conformisme de groupe. Or, pour Ogien, c'est là une lecture réductrice de l'expérience de Milgram: en effet, il suffisait d'introduire quelques variations pour faire élever considérablement le taux de refus des «candidats» (à qui l'on demandait de déclencher les chocs é