Cette histoire pourrait être un conte ; elle est tragiquement vraie. Au début du XXe siècle, des dizaines de milliers de chiens errants vivent dans les rues d'Istanbul et le sultan décide d'en débarrasser sa capitale au nom de l'hygiène et du progrès. Ainsi fut décidée en 1910 la grande extermination des chiens d'Istanbul. Pour raconter cette terrible Chienne d'histoire, qui a reçu la palme d'or du court métrage, Serge Avédikian, acteur et réalisateur d'origine arménienne, a choisi l'animation avec un trait grinçant et aigu. «Le dessin était je crois la seule manière de rendre palpable cette horreur», explique celui qui a déjà utilisé cette méthode pour un court sur un peintre à Auschwitz.
Le projet de mise à mort des chiens dans des chambres à gaz est abandonné. Trop cher. Les chiens sont raflés par dizaines de milliers et déportés sur un îlot rocheux, sans eau, dans la mer de Marmara, appelé depuis «l’île maudite». Ils crèvent de soif et s’entre-dévorent. Leurs hurlements arrivent jusqu’à la ville. Une scène saisissante montre Enver et Talat Pacha, les deux hommes forts du pouvoir, en train de dîner, tentant d’échapper aux cris d’agonie en fermant les fenêtres. Les deux dignitaires seront cinq ans plus tard les maîtres d’œuvre de l’extermination des Arméniens de l’Empire ottoman.
«J'ai découvert en faisant Chienne d'histoire la force de la métaphore et je n'imaginais pas que les gens allaient à ce point penser que c'était une métaphore du gén