C’est un procès auquel on n’avait pas envie d’assister. Le battage politique autour de l’affaire, instrumentalisée par Nicolas Sarkozy (il en a profité pour instaurer un enfermement à vie, la rétention de sûreté), nous avait fait perdre de vue l’histoire humaine. C’est un documentaire qui nous dit qu’on avait tort. Que la justice, galvanisée ici par la présence des caméras, est parfois capable de sensibilité et de justesse. En août 2007, Francis Evrard, 63 ans, a enlevé et violé Enis, 5 ans. L’enfant a été retrouvé terrifié dans un garage. Le pédophile, déjà condamné trois fois pour des faits similaires, venait de sortir de prison.
Le documentaire se situe au moment du procès, en octobre 2009. Fait rare, les réalisateurs ont pu filmer les débats. On découvre Francis Evrard, yeux noirs enfoncés dans les orbites, nez rouge, visage rond, un phrasé lent de faux benêt. Il répète qu'il n'est «pas un monstre» , que personne n'a «rien fait» pour l'aider, mais il manipule, ment, sourit en voyant des images d'Enis, inquiète. En face de lui, Michel Gasteau, le président de la cour d'assises, incarne ce qui se fait de mieux dans son métier. Respect, attention, culte du doute. Il sait écouter sans interrompre et déjouer les séductions de l'accusé. «On ne peut plus rien faire» pour Francis Evrard, disent des témoins. Au-delà de l'horreur des faits, Michel Gasteau cherche à réfléchir au problème de la délinquance sexuelle récidiviste.