Cédric Manara est professeur de droit à l’Edhec et membre du comité scientifique de Juriscom.net. Depuis 1995, il travaille sur les questions liées à Internet.
La démarche d’Eric Besson, qui a demandé l’arrêt de l’hébergement de WikiLeaks en France, est-elle légitime ?
_ La communication du ministre, c’est surtout une façon d’attendrir la viande. Il sait très bien que seule une décision de justice peut aboutir à ce résultat. Mais le juge ne peut statuer qu’en fonction d’un texte de loi, et il n’en existe pas qui protège les télégrammes diplomatiques américains. Et quand il n’y a pas de texte, la seule solution, c’est de faire appel au trouble à l’ordre public, qui permet d’interdire un acte contraire aux valeurs portées par la nation. Eric Besson veut donc convaincre l’éventuel futur juge en charge de l’affaire que WikiLeaks entre précisément dans ce cadre. Et il y a des chances pour que ça passe.
C’était aussi une manière de faire pression sur l’hébergeur OVH, qui aurait pu céder et fermer son serveur avant même l’intervention d’un juge…
_ Oui, ce qui aurait sans doute beaucoup nui à son image. La réaction d’OVH a été très intelligente. Ils savent que selon la loi, ils doivent retirer tout contenu «manifestement illicite» dès qu’ils ont connaissance de son existence. Ils ont appris la présence de WikiLeaks chez eux, mais ils ne pouvaient pas décider du caractère «manifestement illicite», et ils ont donc saisi la justice, qui a finalem