«J'ai été embauché à l'usine Eternit en 1974. J'avais 24 ans, j'étais content, c'était aussi bien que de travailler à la Fiat. Mais tous les deux jours, sur le portail de l'usine, il y avait un nouvel avis de décès d'un ouvrier. Je me demandais ce qui se passait là-dedans.» Ce qui se passait, Nicola Pondrano, 61 ans, militant syndical, le raconte à la caméra, la voix étranglée, au palais de justice de Turin.
À l’époque, l’amiante se maniait quasiment sans aucune protection dans l’usine Eternit de Casale Monferrato, une petite ville du Piémont. Et le soir, on ramenait ses bleus constellés de poussière blanche chez-soi. On rapportait également des plaques d’amiante-ciment données par le patron pour paver les allées ou couvrir les toits. Résultat : une catastrophe sanitaire et environnementale sans précédent frappe les ouvriers et les habitants de la ville, tous contaminés par la poussière mortelle et victimes d’asbestose ou de mésothéliome, le cancer incurable de la plèvre.
Malgré la fermeture de l’usine en 1986, l’amiante infiltré dans la ville continue de tuer environ un habitant par semaine. Mais Casale est aussi la ville de la lutte. Une bataille est menée depuis trente ans par un singulier front de syndicalistes, de médecins et de victimes, à qui l’on doit l’interdiction de l’amiante en Italie en 1992 et le procès historique qui structure le documentaire de Niccolo Bruna et Andrea Prandstraller. Ouvert le 10 décembre 2009, ce procès, le plus grand jamais inte