Au début des années 60 à Hollywood, un sujet de conversation provoquait des hennissements de rire dans les cocktails des grands producteurs américains. La blague qui faisait alors fureur était la «politique des auteurs» imaginée par ces grands fous de Français. Il fallait au moins ça pour dérider une industrie du cinéma morose, fissurée sous les coups de boutoir de la télévision. Moins de dix ans plus tard, les studios, une jambe au-dessus du précipice, faisaient semblant de considérer les cinéastes comme des artistes. Ils avaient surtout compris que le fait d’associer les termes «droits» et «auteur» était susceptible de remplir les caisses sonnant creux.
C’est tout sauf une coïncidence si, à cette même époque, Alan Smithee, réalisateur imaginaire, apparaît pour la première fois au générique d’un film. Derrière ce pseudonyme se dissimule une ribambelle de réalisateurs qui ont renié un de leurs films après un désaccord avec leurs producteurs, mais qui ont gardé le droit de réclamer leur salaire. Pour bien comprendre les mécanismes de cet usage, mieux vaut revenir à la naissance d’Alan Smithee.
Signe prémonitoire. En 1969, Universal met en chantier Death of a Gunfighter ( Une poignée de plombs ), un western dont la vedette est Richard Widmark, 55 ans, que l'âge n'a pas rendu aimable ni patient. Le réalisateur est Robert Totten, 32 ans, qui n'a travaillé jusque-là que pour la télévision sur des