Les contes sont toujours cruels. Unfinished Swan est un jeu-conte, peut-être le premier de son espèce à le revendiquer aussi clairement, et il n'échappe pas à cette règle de la cruauté. «Mon petit Monroe, ta mère est morte, tu es seul au monde et les paysages qui t'entourent n'ont que leur solitude glacée à t'offrir» : tel est en substance le message adressé au joueur dès les premières secondes de l'aventure. Pire : le monde en question est un labyrinthe de décors à demi abstraits dans lequel Monroe avance sans boussole, sans explication et sans retour en arrière possible… En une dizaine de petits chapitres à la fois sombres et gracieux, Unfinished Swan s'effeuille irrésistiblement, donnant à son tour au joueur le sentiment d'être tombé entre les pages d'un livre arraché au monde de l'enfance éternelle et transbordé, transmuté à l'ère numérique.
Mais une fois que l'on a donné ces éléments de base, on n'a encore rien dit de ce qui constitue la matière première d'Unfinished Swan : l'aventure, ici, est au sens propre une aventure graphique. C'est le joueur qui fait apparaître le jeu, ses décors, ses chemins, ses objets, en projetant sur la matière blanche qui l'environne une peinture noire qui donne aux paysages une vigueur manga en même temps qu'une aura ténébreuse. Ainsi, tel un poulpe radical et furieux, le joueur crache, d'une touche et à jets plus ou moins continus, son encre de Chine sur un décor fantôme qui lui préexiste mais échappe à