La petite Anna n'a pas 5 ans, porte un bonnet rayé, un anorak rose, et le décrète d'emblée : «C'est moi la maîtresse.» Elle décide donc qui sera le «chef de train» et ne cesse d'ordonner «accroche-toi, accroche-toi» à ses camarades de l'école maternelle Belliard, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Certains, amorphes, suivent les ordres sans broncher. Mais quand elle promet le poste de chef à tout le monde, c'est le clash garanti. Cette manager en herbe est l'un des personnages forts du documentaire C'est pas du jeu, diffusé ce soir sur Canal +. Ses réalisateurs, Alice Langlois et Pascal Auffray, ont filmé en immersion quasi quotidiennement, six mois durant, la cour de récréation de cette école d'un quartier populaire de la capitale.
Car dans les cours de maternelles, il n'y a pas que la sage marelle. On se câline, on se poursuit, on se maltraite et on se vautre en chialant, à grands coups de «t'es pas ma copine» et de «j'vais l'dire». Les caméras posées à hauteur d'enfants permettent, sans commentaires, d'entrer dans la ronde, de suivre les négociations pour un prêt de ballon et d'observer les petites à couettes évoluer dans leurs scénarios fictifs.
S'ils captent parfois la caméra du regard, les enfants semblent le plus souvent l'oublier. Le chahut braillard propre aux cours de récré, lui, ne laisse aucun répit à la bande sonore. Mais il reste difficile, avec des yeux d'adulte, de se laisser prendre à un jeu