Menu
Libération
Critique

Aux frontières du réel

Article réservé aux abonnés
Jeu . Dans la peau d’un douanier version URSS.
publié le 23 octobre 2013 à 21h06

Année 1982. Ambiance rideau de fer. La frontière du très totalitaire et fictif Etat d'Arstotzka est submergée de flots de migrants après un long conflit. Face à eux, un patriote loyal dépêché par le Conseil suprême. Au boulot camarade. Papers, Please est au premier abord un simulateur de paperasse, façon jeu des sept erreurs. Dans la peau d'un garde frontière, on y examine la situation et les documents de pauvres hères. Coquille sur le passeport, non conformité du visa… à la moindre incohérence, le rêve du postulant se brise. Ou pas. Car le cœur du jeu, c'est le choix. Le choix d'agir en bureaucrate zélé, ou d'exprimer son humanité. Mais l'œil de la capitale veille et n'apprécie pas les largesses. Trois bourdes, et la retenue sur salaire tombe, précipitant ses proches vers la faim ou la maladie.

Le titre expose à des dilemmes qui explorent les limites morales et la part d’ombre de chaque joueur. On est écartelé entre l’obligation de prendre soin de sa famille et l’apparition de cas touchants : esclave sexuelle qui supplie de retenir son bourreau, couple dont un seul des membres est en règle… Chaque dossier traité correctement rapporte une misère. Il faut donc aller vite. La peur de ne pas remplir son quota plane. Et voir sa femme agoniser d’une pneumonie faute de pouvoir payer le traitement suffit à transformer le garde frontière compatissant en petit chef inflexible.

Et plus le jeu avance, plus le pouvoir met à disposition des moyens dont l’usage suscite le malaise :