Je fais partie de ces «Français qui raquent pour ces mecs» de Libé que se permet d'insulter en privé un certain Monsieur Ledoux, qui, à lire sa prose, semble faire de la liquidation comme Jourdain de la prose, confondant allègrement produits de la pensée et marché immobilier, béton et opinion, «cash» et culture. J'ai aussi passé à Libération les plus belles années de ma vie, d'avant même le lancement du journal en 1973 jusqu'à mon départ (volontaire) de la direction de la rédaction en 2006. C'est donc avec une tristesse mêlée de colère que je vois le journal menacé par une crise qui me semble plus grave que celles (nombreuses) qu'il a traversées.
Il est certes trop facile de juger et de prétendre donner des conseils quand on est loin du champ de bataille, en sécurité. Mais le fait de m'être mis volontairement hors-jeu ne m'interdit pas, je crois, de livrer mes pensées, aujourd'hui celles d'un lecteur régulier, extérieur au drame en train de se nouer, et qui n'en connait ni tous les acteurs ni toutes les données. Mais je sais deux ou trois choses sur Libé et un sujet sur lequel j'ai probablement autant réfléchi et travaillé que les auteurs du «projet» qui a mis le feu aux poudres.
J'ai connu assez longtemps et d'assez près les équations très difficiles à résoudre qui ont fait de Libé, comme de la majorité des quotidiens, une entreprise chroniquement déficitaire presque tout du long de ses quarante années d'existence. Il n'y