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Libération
Billet

Apprendre en public

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par Michka ASSAYAS, critique de rock et écrivain
publié le 23 février 2014 à 17h06

J'ai signé la pétition de soutien à la rédaction de Libération. Peut-être ai-je eu tort de me mêler d'une querelle dont j'ignore presque tout. Je tenais par là à témoigner mon attachement à un journal qui a été déterminant dans ma vie.

On m'a publié pour la première fois dans la rubrique culture en 1980. J'avais vingt et un ans, je ne connaissais personne. Bayon, qui avait remarqué un article paru dans Rock & Folk (où j'étais entré en poussant littéralement la porte), m'a appelé et m'a fait confiance. Le premier article que j'ai consacré à New Order, en 1981, était un texte verbeux, confus et invertébré. Qui fut imprimé pratiquement tel quel. Parfois, ceux qui nous lisaient haussaient les épaules, s'étranglaient ou fulminaient - avec raison. Nous étions des amateurs passionnés, aussi enthousiastes qu'intolérants, autorisés à publier nos embrouillaminis. Ceux qui ont eu la chance d'écrire alors dans Libération savent qu'ils ont eu le privilège de faire leur apprentissage en public.

En 2014, quel jeune homme de vingt et un ans pourrait débarquer dans la rédaction d'un grand quotidien national et y faire publier, tel quel, son papier ? Il lui faut d'abord envoyer un CV. Puis patienter des semaines, voire des mois. Et s'il n'est pas passé entre les mains d'une armée de Diafoirus enseignant le «journalisme professionnel» (entendez le «formatage»), ce n'est même pas la peine d'essayer. Avant même d'avoir poussé son premier cri, un apprenti journaliste