Ils ont la tête en l'air, les yeux rivés sur la façade est. Une caricature gigantesque les fait pouffer de rire : Kai Diekmann, le patron du Bild Zeitung, est doté d'un sexe géant en érection, grimpant le long des étages du siège de leur journal, Die Tageszeitung, alias la Taz. Tout en haut, un vœu de réconciliation : «Que la paix soit avec toi.» En 2002, le chef du tabloïd à 3 millions d'exemplaires - le plus diffusé d'Europe - avait porté plainte - et gagné - contre la Taz. Diekmann n'avait pas apprécié qu'on révèle qu'il avait tenté de se faire agrandir le pénis. A 200 mètres de là, depuis les fenêtres de l'immense tour en verre des éditions Axel Springer, maison mère du Bild, le patron de presse le plus influent d'Allemagne a désormais une vue imprenable sur cette sculpture murale…
De la satire, un goût certain pour tenir tête - et se moquer - des puissants : la soixantaine de «coopérateurs» de la Taz réunis ce dimanche matin retrouvent dans cette caricature l'ADN de leur quotidien, toujours pauvre, mais reconnu, issu de cette gauche soixante-huitarde dite aujourd'hui «alternative» et porte-parole des mouvements citoyens.
Mais ce matin-là, ces coopérateurs - des lecteurs qui détiennent tous des parts du journal - sont venus pour autre chose. Ils suivent Karl-Heinz Ruch, le directeur général. Le groupe s’arrête sur un coin de parking et de terrain vague, à quelques centaines de mètres de l’endroit où le quotidie