Il faut l'imaginer. Il faut imaginer Wesley Lowery, journaliste au Washington Post, dans un Mc Donald's de Ferguson (Missouri). Alors que l'émeute bat son plein dans le quartier après le meurtre par la police d'un jeune Noir, il s'y est réfugié pour recharger la batterie de son smartphone, profiter de la connexion wi-fi, et répondre aux twittos qui l'interpellent sur ses derniers tweets. Survient la police, qui intime à tout le monde l'ordre de décamper. La suite, c'est son reportage dans le Washington Post qui la raconte. «J'ai pris mon smartphone et j'ai commencé à enregistrer une vidéo. Un officier avec une grosse arme est venu vers moi, me disant : "Arrêtez d'enregistrer." J'ai dit : "Commandant, je n'ai pas le droit de vous enregistrer ?" Il a reculé, mais m'a dit de me dépêcher. J'ai commencé à rassembler mon carnet et mes stylos d'une main, tout en continuant de l'enregistrer de l'autre.»
Il faut l’imaginer, ce journaliste scrupuleux connaisseur de ses droits et devoirs, parfaitement maître de lui, qui dans le même mouvement obtempère à la police et lui pose une colle, la filme le forçant à obtempérer et collée par sa question. Répétant qu’il coopère, il agence déjà dans sa tête les éléments de son reportage multimédia. La vidéo qu’il mettra en ligne, le récit de son arrestation pour l’édition papier, et, pourvu que son smartphone soit assez rechargé,