Longtemps, l'homme s'est appliqué à prendre son temps pour aller loin. Avait-il d'ailleurs le choix ? Aujourd'hui, c'est l'inverse. Il ne prend plus le temps de rien et ne va nulle part. Après Un monde sans humains qui explorait le rapport homme-machine, Philippe Borrel continue de dévider sa pelote, aidé en cela par Noël Mamère, et interroge notre rapport au temps. En quelques décennies, celui-ci a radicalement changé. La faute aux technologies de l'information et à leurs algorithmes si puissants qu'ils ont largement supplanté les cerveaux humains. L'homme va plus vite mais il n'avance plus, il fait du surplace, pire, il creuse sa tombe.
Avec son film-mosaïque, Philippe Borrel nous ramène à cette évidence : sans freins, l'humanité va se prendre un joli mur, et à toute berzingue de surcroît ! «Au moins, un suicidaire sait qu'il va se suicider», ironise presque Edgar Morin. Dans son premier tiers, le documentaire est impitoyable. L'accélération décrite crée une sensation de vertige. Peut-on indéfiniment compresser le temps et imposer à nos cerveaux la multiplication infernale de tâches aussi ineptes qu'irréfléchies (surconsommer par exemple) ?
Chemins. Comme le dit le sociologue Hartmut Rosa, «nous allons plus vite, mais nous sommes encore plus stressés». Normal puisque «le temps économique, ce temps vide, a tout absorbé du temps humain