Qui sommes-nous ? C'est la question enfin existentielle que se pose à elle-même la communauté mondiale des amateurs de jeux vidéo depuis qu'a éclaté la polémique du «gamergate» (lire Libération du mardi 16 septembre). Communauté ? Non, bien sûr une telle chimère n'existe pas et n'a jamais existé. Mais il aura fallu ce scandale qui oppose, en gros, les réactionnaires et les progressistes de la chose ludique et virtuelle, pour que chacun en prenne conscience.
L'affaire est politique mais aussi sémantique. La langue anglaise a prévu deux termes faussement synonymes pour exprimer ce qu'en français nous appelons les «joueurs». Aux Etats-Unis, on assiste ainsi à la mise en place d'une ligne de démarcation entre gamers et players. Les premiers sont renvoyés à une pratique archaïque du jeu vidéo. Ils seraient les tenants de la violence gratuite, du machisme et de la misogynie, revendiquant une sorte de bourrin-pride pas très éloignée dans son esprit du mouvement anti-écolo américain des coal rollers, qui trafiquent leurs véhicules de façon à produire la plus polluante des fumées noires, de préférence crachée à la gueule des cyclistes et des Prius hybrides… Les players, du coup, héritent de toutes les vertus opposées : progressistes, féministes, favorisant la sociabilisation, soucieux de ne froisser aucune min