Si vous êtes fumeur, diabétique, obèse et pauvre, il y a plus de risques que vous souffriez un jour d'une maladie cardiaque que si vous êtes riche et en bonne santé. Voilà qui est communément admis. Mais est-ce que les publications sur Twitter dans votre région peuvent aider à prévoir le risque que vous soyiez touché par ce même type de maladie ? Oui, répondent très sérieusement des chercheurs américains de l'Université de Pennsylvanie, dans une étude publiée dans la revue Psychological Science et relayée par le Washington Post.
«Il y a des chances que vous preniez un peu de cette colère»
Ces universitaires se sont penchés sur des tweets émis depuis environ 1 300 comtés américains entre 2009 et 2010, en excluant le Midwest, pas assez connecté et trop peu pourvu en données médicales. Leur étude s'étend donc sur environ 88% de la population américaine. Partant du principe, acté, que l'anxiété ou la colère font produire des hormones dommageables pour le cœur, ils ont créé leur propre algorithme, et ont pu trier les messages par thèmes (hostilité, ennui, haine, colère, anxiété…) qu'ils ont ensuite comparés avec les données collectées par des centres médicaux de contrôle et de prévention des maladies. Résultat : dans les endroits où davantage de messages négatifs étaient publiés, le taux de personnes mortes d'une maladie cardiaque était plus élevé.
A l'inverse, les taux étaient faibles là où davantage de messages positifs étaient mis en ligne. Selon l'auteur principal de l'étude, Johannes Eichstaedt, «jurer, dire "putain" sur Twitter, dénote un comportement assez agressif. Cela donne une idée de l'attitude de ces gens, a-t-il expliqué au Washington Post. L'hostilité et la colère sont des sentiments très succeptibles de se propager de personne en personne. Donc même si vous et moi vivions dans le plus joli quartier de New York, et que j'étais très, très en colère, il y a des chances que vous preniez un peu de cette colère vous-même».
Une idée du climat général
A l'évidence, les jeunes ados qui font part de leurs frustrations ou de leur colère sur Twitter ne sont pas susceptibles de mourir, immédiatement, d'une maladie cardiaque - l'âge moyen des utilisateurs du réseau social est par ailleurs plus bas que celui de la population. Mais les auteurs de l'étude estiment qu'un grand taux d'agressivité dans un endroit peut donner une idée du climat général stressant qui y règne. C'est donc le facteur environnemental et psychologique qui est étudié ici.
Ce n'est pas la première fois que des chercheurs se penchent sur la possible utilisation des données collectées sur des médias sociaux pour déterminer la prévalence d'une maladie dans une région ou une ville, rappelle le quotidien américain. Le moteur de recherche Google avait ainsi fait l'objet d'une étude similaire ayant pour objet la grippe (on cherchait alors à déterminer dans quelles villes les mots «grippe» ou «grippe + symptômes» étaient le plus recherchés, et on en déduisait la potentielle prévalence locale de la maladie), mais la méthode avait ensuite été contestée, puisque faire une recherche sur Google ne signifie pas que vous êtes malades ; s'en plaindre sur Twitter, si. L'encyclopédie collaborative Wikipedia avait aussi été utilisée par des chercheurs pour prévoir des épidémies, en se basant sur les tendances des internautes à lire davantage telle ou telle page, par exemple sur la dengue ou la grippe, à un moment donné. Cela ne fonctionne néanmoins pas avec des infections comme Ebola ou le VIH, rappelle le Washington Post.
Selon Johannes Eichstaedt, utiliser Twitter comme un outil peut en outre aider les responsables publics chargé de la santé à diriger plus précisément et à moindre coût les campagnes de prévention, autant qu'à en mesurer les effets.