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Libération
Jeu vidéo

«The Order» sans ardeur

Forte impression de déjà-joué devant ce titre indigeste à en lâcher sa manette.
publié le 19 février 2015 à 18h16

Oh, un muret. Touche rond, et Grayson se cache. Gâchette gauche, il se lève et vise. Gâchette droite, tir et l’ennemi qui tombe. On relâche la gâchette gauche et, hop, on est de nouveau à l’abri. Une pression sur la croix, changement d’arme. Et de nouveau gâchette gauche pour espérer se défaire de la trentaine d’opposants qui fourmillent dans le champ de vision. C’est tendu. Et là, soudain, sans qu’on y soit vraiment préparé, l’ennui. La manette qui tombe des mains. Du coup, Grayson meurt. Recommencer à partir de la dernière sauvegarde ? Hum… Pas sûr.

En 2015, ça ne sert plus à grand-chose de faire entrer un jeu dans une case, un genre prédéfini comme plateforme, tir ou aventure. Sauf quand le contour de cette case semble avoir servi de cahier des charges simpliste. Pour The Order : 1886, blockbuster produit par Sony, il faut donc cocher : «cover based TPS». Ouais, on sait, c'est pas super parlant. TPS, c'est pour third person shooter, jeu de tir à la troisième personne, en opposition avec les FPS comme Call of Duty qui utilisent la vue subjective. En gros, le joueur voit le personnage qu'il contrôle de dos. Et cover based, ça veut dire que tous les niveaux du jeu sont parsemés de murs, de boîte et de barrières derrière lesquels le personnage peut s'abriter.

Dans The Order, donc, on avance, on se cache et on tire sur tout ce qui bouge. Ce qui ne semble pas si désagréable comme programme, avouons-le. Si ce n'est qu'on se traîne à avancer dans les niveaux avec une impression persistante de déjà-joué. Et pour cause, il suffit de revenir quelques années en arrière, en 2011, pour trouver la dernière mouture en date de la série Gears of War. Et, en termes de sensations, c'est du copier-coller.

Ce n'est pas un drame, dans le jeu vidéo, de s'inspirer de ses illustres ancêtres. Mais Ready at Dawn, studio spécialisé jusqu'ici dans les portages de licences (God of War, Okami) s'est en plus complètement perdu en cherchant à tout prix à créer un univers original. Pas simple de pouvoir se revendiquer unique. Par exemple, en mixant tous les restes qui traînent dans le frigo, on obtient certes un plat original, mais bien loin de la gastronomie. Ici, on prend Londres à l'époque victorienne et ses personnages mythiques comme Jack l'éventreur, on ajoute de la technologie rétrofuturiste coupée avec Nikola Tesla (c'est tendance, Tesla), on recouvre de légende arthurienne (chevaliers, table ronde, Perceval, etc.) et on saupoudre de loups-garous et de sociétés secrètes. Bon appétit.

Porte-étendard de Sony et de la Playstation 4 en ce début d'année, The Order est une grosse production. Le visuel est donc - c'est bien le moins - au rendez-vous. La ville de Londres, par exemple, est magnifiquement rendue. Mais ce qui aurait pu sauver un peu le jeu du naufrage ne fait que renforcer la frustration une fois la manette en main. Le genre impose une progression en couloir, c'est-à-dire un parcours prédéterminé ne laissant aucune place à la flânerie. Quand on sort à peine du Paris révolutionnaire d'Assassin's Creed Unity qu'on a exploré de fond en comble, on est à deux doigts de virer claustrophobe.