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Libération
Récit

Fréquence brouillée à Radio France

Radio France, la grève et après ?dossier
Après deux semaines de conflit, Mathieu Gallet est à nouveau convoqué par sa tutelle ce jeudi.
L'orchestre de la Maison ronde a joué mercredi 1er avril dans l'Agora pour les salariés. (Photo Julien Pebrel. MYOP)
publié le 1er avril 2015 à 20h17

Mercredi à 14 h 30, au cœur de la Maison de la radio, l'agora résonnait d'un extrait d'une Passion de Bach joué par l'Orchestre national de France. Moment suspendu au milieu du maelström dans lequel est plongée la radio publique. Dans la matinée, plus de 400 salariés mobilisés étaient de nouveau réunis en assemblée générale. Au cœur des discussions, le rapport de la Cour des comptes et ses deux propositions chocs - la fusion des deux orchestres et celle des rédactions de France Inter, France Info et France Culture (lire Libération de mercredi) - mais, surtout, l'annonce le matin même par le PDG de Radio France, Mathieu Gallet, de la remise de son «projet stratégique finalisé» à la ministre de la Culture.

Tempo. «S'il était loyal, s'il était honnête, ce projet, on l'aurait eu ce matin», tonnait Jean-Paul Quennesson, de SUD. «La direction nous traîne de réunion en réunion sans vouloir rien dire, a renchéri Catherine Hamaide, de la CGT. Il faut interpeller la tutelle.» De fait, le tempo s'accélère. L'intersyndicale a redemandé une médiation, cette fois à Manuel Valls. Elle est reçue ce jeudi par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, avant une manifestation aux abords de Matignon. Mathieu Gallet, lui, est de nouveau «convoqué» - selon l'expression du porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll - rue de Valois dans la matinée. Lors des questions au gouvernement, la ministre de la Culture a assuré qu'elle allait «prendre des décisions dans les prochains jours».

Au bout de deux semaines de conflit, chacun se demande comment sortir d'une situation qui semble bloquée. Le faible taux de grévistes communiqué par la direction - 7,64% mercredi - est contesté par les syndicats qui jugent qu'il «n'a pas grand sens car il est calculé sur l'effectif global et non sur l'effectif des salariés au moment du décompte», et soulignent que les nombreux CDD ne sont pas en position de cesser le travail. Grévistes ou non, des producteurs de France Inter, France Musique et France Culture se sont retrouvés au sein de la toute jeune Société des producteurs associés de Radio France (Sparf). «C'est rarissime qu'on se réunisse à une centaine», indique l'un d'eux. La Sparf a notamment lancé l'idée d'un livre blanc, «pour définir [ses] métiers, demander une revalorisation, proposer des pistes, [son] expertise».

Chez les journalistes, la situation est nettement plus contrastée. Si le Syndicat national des journalistes (SNJ), majoritaire, appelle à une journée de grève vendredi en défense de l'emploi menacé, les troupes sont très divisées. «Chacun a des craintes, des problèmes, mais on ne sait pas où ça va, juge une journaliste de France Info. On a raté les départementales. La mission de service public n'est pas assurée.» «Certains disent qu'ils font grève pour sauver Radio France, d'autres qu'ils ne font pas grève pour sauver Radio France, soupire une autre. On s'engueule tous.»

Désaveu. Alors que des délégations de salariés du réseau France Bleu sont attendues à Paris ce jeudi, tous les yeux sont désormais tournés vers la tutelle. D'autant que Gallet, plus fragilisé que jamais par les dernières révélations - qu'il conteste - du Canard enchaîné sur ses dépenses à l'Institut national de l'audiovisuel, a indiqué dans une déclaration rester «serein et déterminé à poursuivre sa mission de transformation de Radio France». Si le désaveu exprimé par les salariés est patent, l'issue du conflit ne semble pas, pour l'heure, liée au devenir du PDG. «On a besoin d'un résultat palpable, juge Philippe Ballet de l'Unsa. Avoir la tête de Mathieu Gallet n'est pas l'objet de la grève.»