Ludovic Piedtenu, journaliste à France Culture et président de la Société des journalistes (SDJ) de Radio France analyse la grève, entrée ce matin dans sa troisième semaine.
Quelle est la position de la SDJ sur le conflit ?
Elle tient en une ligne : l'Etat doit des sous. J'emploie le mot à dessein, c'est celui que Mathieu Gallet a utilisé lorsqu'il s'est exprimé devant l'assemblée générale, au deuxième jour du mouvement, à propos de son bureau : il a reconnu que c'était «beaucoup de sous». Il nous faut «des sous» pour financer Radio France – pas la radio, mais le bâtiment. Les hommes n'ont pas à payer pour le bâtiment. Si, il y a 11 ans, on n'avait pas été contraints à cette réhabilitation, on ne serait pas dans cette situation. Dans un second temps, il aurait fallu corriger le désengagement de l'Etat. C'est ça qu'on interroge dans notre tribune collective – grévistes et non grévistes, syndiqués et non syndiqués – qui s'adresse à François Hollande et à Manuel Valls. Quelle que soit la manière dont se réglera le jeu entre Fleur Pellerin et Mathieu Gallet, ça ne réglera pas l'urgence financière.
Depuis le début, on essaie d’éviter les divisions entre les journalistes. On est tous d’accord pour défendre l’emploi. On ne veut pas d’un plan de départs volontaires qui se fasse de façon aveugle. Les divisions sont connues, elles se sont manifestées ce jeudi matin en assemblée générale, mais on est à la veille d’un engagement des journalistes, ce qui se passe les concerne.
L’appel à la grève du Syndicat national des journalistes (SNJ) pour vendredi peut-il changer la donne?
C'est une manière de faire pont, même si certains jugent que ça arrive un peu tard. Toute action est utile. Ce jeudi matin, au moment même où une journaliste demandait en assemblée générale comment sortir de ce conflit, la même question était posée à Mathieu Gallet venu s'adresser aux journalistes de France Inter. Sa réponse, c'est qu'il faudrait un signal de l'Etat, qui serait une rallonge budgétaire. Et quand on lui demande comment l'obtenir, il répond : «Quand même, 15 jours de grève…» C'est le PDG de l'entreprise, conscient qu'il est mis sous tutelle, qui convient que le salut, et son destin personnel, passent par les grévistes… Finalement, cet appel tombe bien, avec l'aval de notre PDG. Ça légitime le mouvement dans sa philosophie.
Quelle pourrait être l’issue ?
Je n’imagine pas qu’une rallonge budgétaire tombe dans la journée de demain, mais ce qui va se passer peut aider. J’ose penser que l’Etat va assumer ce qu’il doit à la radio publique. Ce qu’on demande, c’est ce dont il ne s’est pas acquitté ces trois dernières années. On veut la garantie et la certitude que l’Etat va instaurer un contrat de confiance avec Radio France, qu’il ne se dédira pas, qu’il va nous aider à finir ce chantier, qui est un bien public. On ne veut pas être tributaires d’une histoire comptable. On sert de boîte noire pour la dette de l’Etat… Je n’ose croire que ce gouvernement veut appliquer ce que la Grèce a fait à son audiovisuel public.