Ils ont 19, 41 ou 65 ans, vivent à Paris, Toulouse, Brest, Nancy, en Dordogne, dans les Landes. Ils sont auditeurs et auditrices de France Inter, France Info, France Culture ou France Bleu. Ils se disent solidaires du mouvement de grève, ou voudraient qu'il s'arrête, ou les deux. Dans tous les cas, ils se sentent «en manque», «orphelins».
Intime. On lance un appel sur les réseaux sociaux, pour savoir ce qui les attache tant aux antennes de Radio France, et les réponses fusent. Souvent très affectives, voire intimes : «France Info, c'est mon phare, mon amie, mon doudou», écrit l'une. «Patrick Cohen et sa bande, c'est ma tartine de miel du matin», lance un autre. «Radio France, c'est la bande-son de ma vie», résume Catherine, une Francilienne de 59 ans. C'est souvent, en effet, une longue histoire : tel qui écoute FIP depuis qu'il a seize ans, telle autre qui a été biberonnée à France Inter depuis l'enfance. Les souvenirs, les noms reviennent d'un témoignage à l'autre - Claude Villers, Pierre Desproges et leur fameux Tribunal des flagrants délires, les «bises à l'œil» du journaliste musical Bernard Lenoir, Jean-Louis Foulquier et ses sessions live, Daniel Mermet et les reportages de Là-bas si j'y suis.
Boulimique. Beaucoup évoquent le «temps donné aux émissions, aux invités et aux reportages», «la créativité, les idées parfois décalées», «l'humour, l'intelligence», «le ton, la distance dans le propos, la qualité des interventions», «des sons du voisinage et du bout du monde, parce que l'un ne va pas sans l'autre». Elise, 69 ans, se dit «aspirée vers le haut» par France Musique. France, 42 ans, chante les louanges des fictions de France Culture : «Pas besoin d'images, l'imaginaire fait le reste.» D'autres disent leur attachement à France Bleu, «la radio de proximité». Certains passent aisément d'une antenne à l'autre : «Entre toutes les chaînes, il y en a pour ma boulimie de sons, de voix, de musiques, d'analyses, écrit Xavier, 41 ans. Radio France est magnifique pour les curieux.» De cet attachement - ce «lien organique», écrit Olivier - les critiques ne sont pas absentes. Victor, 32 ans, estime que les journaux de France Inter «sont de plus en plus tournés vers les faits divers». Certains regrettent des émissions disparues. On trouve aussi plusieurs auditeurs déçus de Mouv', l'antenne «jeune» du groupe, qui a bouleversé sa grille à la rentrée pour se tourner vers le hip-hop et l'electro.
Il n'empêche : Radio France, pour ceux qui l'écoutent, c'est la quasi-absence de publicité, «essentielle», et un modèle qui, selon Ariane, n'est pas soumis à «la pression du "showbiz" version audio». La grève leur a parfois rappelé les raisons pour lesquelles c'est là que leur oreille traîne quotidiennement. «J'aime le service public parce qu'il ose des choses qu'on n'entendrait pas ailleurs, écrit Claire. Parfois ça rate, mais parfois aussi la magie fonctionne, parce que le fil rouge, c'est l'intelligence.»