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Libération
Reportage

23e jour de grève à Radio France : «On va jouer le jeu du dialogue»

Radio France, la grève et après ?dossier
Alors que la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, a finalement nommé Dominique-Jean Chertier comme médiateur, les salariés de Radio France ont reconduit la grève pour le week-end.
A l'assemblée générale de Radio France, le 10 avril. (Photo Thomas Samson. AFP)
par Vanina Delmas
publié le 10 avril 2015 à 17h12

Les dessins de protestation décorent les vitres de la Maison de la radio mais, au 23e jour de grève, plus personne ne les regarde. Pourtant, le slogan «Radio France en lutte» est toujours d'actualité et retentit encore lors de l'assemblée générale. A l'ordre du jour ce vendredi : que va apporter la nomination tant attendue d'un médiateur ? Les projecteurs du Studio 105 sont éteints mais tous les yeux sont braqués sur les trois micros qui passent de mains en mains pour annoncer, réagir, questionner ou applaudir.

Pour faire taire le brouhaha chaleureux, l'un des syndicalistes lit haut et fort la lettre de mission rédigée par la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, et met un terme dès le début aux rumeurs : «Le lieu et l'heure de la médiation, on n'en sait rien, clame-t-il. Ce n'est ni Matignon, ni la rue de Valois, ni un bistrot du XVe Le ton est donné et les interrogations fusent.

Confusion

Le nom qui est sur toutes les lèvres n'est donc plus celui de Mathieu Gallet mais bien celui de Dominique-Jean Chertier, le médiateur nommé par Fleur Pellerin. Le débat est lancé. Les tensions sont vives. Certains sont rassurés qu'il ne soit pas un ancien de la maison. Mais les autres mettent en doute la neutralité politique de celui qui était le conseiller social du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. «Il est quand même passé par beaucoup d'entreprises qui n'existent plus aujourd'hui !», lance avec ironie un gréviste. Les rires retentissent pour saluer le trait d'esprit mais la confusion est omniprésente.

Plus optimiste, une salariée du support informatique depuis près de cinq ans reste lucide. «Je ne sais rien sur cet homme et ça ne m'intéresse pas car j'attends juste qu'il fasse son travail ici, affirme-t-elle. Radio France, c'est un peu une maison de fantasmes. Toutes les rumeurs et les on-dit se transforment vite en réalité, surtout pendant les AG.»

Face aux fauteuils bleus tous occupés, les délégués des quatre syndicats appelant à la grève font bloc. Et c'est en direct qu'ils reçoivent le message annonçant l'heure et l'endroit de leur rencontre avec le médiateur. Ce sera à 11h30 au 2e étage de la Maison de la radio. «Il vient à nous, c'est bon signe», chuchotent certains dans le studio. Il reste à peine trente minutes pour régler toutes les questions et désaccords de la matinée. La crainte générale est que l'intersyndicale s'effrite et que les compromis aillent trop loin. Les antennes régionales, la publicité, les travaux, le passage au numérique… Les sujets de tensions sont nombreux. «On va jouer le jeu du dialogue mais on ne va pas renoncer à toutes nos revendications», assure Philippe Ballet, délégué syndicaliste de l'Unsa.

Caisse de grève

L'autre question qui anime la salle, c'est la reconduction de la grève. «Pourquoi voter maintenant alors que vous rencontrez le médiateur dans dix minutes ?», s'emporte une minorité. «Il faut continuer de leur mettre la pression», répondent instantanément les autres. Le ton monte et la fatigue est visible. Finalement, le vote a lieu et la grève est reconduite jusqu'à lundi. Mais tous se retrouveront après la réunion pour faire le bilan.

Parmi l'assistance, certains n'ont pas levé la main. Ils ne votent pas car viennent seulement en soutien. «Comme je suis au Philarmonique, ça ne se verrait pas si je faisais grève, raconte ce régisseur travaillant à Radio France depuis quinze ans. Je préfère mettre de l'argent dans la caisse commune pour aider les autres. C'est un acte citoyen pour moi.» Environ 90 000 euros ont été collectés. «Les gens étaient très généreux à la manif anti-austérité hier !», fait remarquer le comptable du jour. Au 23e jour de grève, l'annonce de la somme colossale récupérée pour les grévistes est la seule chose qui fasse l'unanimité à la Maison ronde.