Lancé il y a un peu moins d'un an en version beta, le service de lecture à distance de DVD de Vodkaster n'a pour l'instant pas touché un large public, la faute à une première version particulièrement exigeante en termes de bande passante – seuls les internautes abonnés à des offres très haut débit type fibre pouvaient espérer voir sur leur ordinateur les versions numérisées de leurs galettes ou de celles achetés à d'autres membres. Une sorte de «VOD d'occasion» au fonctionnement détaillé ici – on peut vendre ou acheter des DVD numérisés et les regarder instantanément à distance – qui, grâce à une récente mise à jour, est désormais accessible à la majorité des internautes.
Pour faire parler de cette offre légale pas forcément bien vue par certains gardiens du temple qui y voient un contournement de la législation sur la VOD, Vodkaster a imaginé une opération de com' plutôt maligne : récompenser, à coups de bons d'achats de 10 euros les adeptes «repentis» du téléchargement illégal ou du streaming. Sur une page spéciale accessible à l'adresse www.vodkaster.com/bienvenue-les-pirates, l'internaute amateur de Pirate Bay et autre PopCorn Time (mais pas que) peut s'inscrire et s'engager «à arrêter de pirater – ou du moins à essayer», dixit Vodkaster. En fonction de son niveau de piraterie en 6 paliers allant de «pirate occasionnel» à «Capitaine Crochet», l'internaute génère un certificat décalé censé être partagé avec ses contacts sur les réseaux sociaux, en échange de quoi il reçoit 10 euros à dépenser illico sur Vodkaster, qui propose plus de 8000 films et séries.
Cette stratégie plutôt ironique est basée sur un constat : d'après une étude Médiamétrie publiée début avril, le nombre de «pirates» en France a augmenté de 18,5% par rapport à 2009, année du lancement de la Hadopi en France. En 2014, l'étude affirme que 13,463 millions de Français ont «consulté au moins une fois par mois un site dédié à la contrefaçon audiovisuelle en utilisant les protocoles P2P, DDL et streaming». Sur 46,9 millions d'internautes en France, ce n'est pas négligeable. Pour Cyril Barthet, le PDG de Vodkaster, ce chiffre important est surtout le signe qu'il y a «un appétit fort pour le cinéma».
Reste à savoir comment motiver les internautes à passer à l'offre légale. «Toute une génération de personnes qui n'achetaient jamais de disques et pirataient de la musique utilisent maintenant Deezer ou Spotify. Aujourd'hui, on a encore plein de pirates prêts à galérer sur des sites truffés de pubs de cul pour voir des films illégalement, on peut leur faire changer d'habitudes, même si ça prendra du temps», explique-t-il à Libération.
Pourfendre le modèle Netflix
Concrètement, avec 10 euros offerts sur Vodkaster, qu'est-ce qu'on peut faire ? S'acheter 5 films, par exemple. En effet, de nombreux films étant vendus un euro par leur propriétaire, et Vodkaster s'octroyant une commission de 99 centimes par achat, un grand nombre de films sont disponibles pour 1,99 euro. De Inception à Good Morning England en passant par La Nuit du Chasseur et Virgin Suicides, les longs-métrages proposés à ce tarif sont nombreux (près de 5000), même si une nouveauté comme le dernier Ozon ou Maléfique se vend un peu plus de 11 euros. «Un titre neuf peut coûter 13 euros sur Vodkaster, et c'est difficile d'imaginer sortir une telle somme pour un simple fichier en VOD sur un service classique. Sauf qu'ici, le film est revendable ensuite, donc l'engagement initial de l'achat est amoindri», plaide Barthet, qui ne rate jamais une occasion de pourfendre le modèle de l'illimité façon Netflix – on doit notamment à Vodkaster la mise en ligne du site notflix.fr qui recense la liste des films disponibles sur Vodkaster mais pas sur le service de VOD par abonnement, handicapé par la chronologie des médias.
Reste à savoir si, au-delà de cette opération promotionnelle qui rappellera à beaucoup l’existence même de la Hadopi, Vodkaster saura garder dans ses filets les nouveaux utilisateurs glanés. Le modèle Netflix a beau être (très) critiquable quant à son offre cinématographique, l’appétit vorace du géant américain en matière d’achats de films inédits et sa facilité d’utilisation multi-supports en font un concurrent qu’il sera difficile pour Vodkaster d’éclipser. Même en proposant presque huit fois plus de références dans son catalogue.